Concepteur de dispositifs médicaux, Thuasne vient de s’implanter en Océanie par le biais d’une acquisition réalisée en Australie. Depuis 30 ans, cette ETI familiale fondée au milieu du XIXe siècle a bouclé une quinzaine d’opérations de M&A qui, couplées à des investissements organiques, lui ont permis de s’imposer comme un acteur majeur dans son secteur en Europe et aux États-Unis.
SI LA VIEILLESSE PEUT CONSTITUER UN NAUFRAGE, force est de constater que ce constat du Général de Gaulle ne sied aucunement à Thuasne. Alors qu’elle célèbre cette année ses 175 ans, cette entreprise familiale spécialisée dans la conception de dispositifs médicaux (orthopédie, compression médicale, produits destinés à la prévention des blessures et à la reprise d’activité pour les sportifs…) ne cesse en effet d’aller de l’avant, au point d’avoir considérablement changé d’échelle depuis l’arrivée à sa présidence d’Elizabeth Ducottet, en 1991. « En l’espace d’une trentaine d’années, la taille du groupe a été multipliée par dix, avec à la clé un développement très marqué à l’international », relate ainsi la dirigeante. De fait, la société stéphanoise, qui a réalisé en 2022 un chiffre d’affaires de 265 M€ et qui compte aujourd’hui près de 2 800 collaborateurs et 17 filiales dans le monde, réalise désormais la moitié de ses ventes à l’étranger.
Des plateformes de lancement
Tandis que Thuasne jouit déjà d’une position de leader sur le marché français, cette proportion est appelée à continuer de croître, sous l’effet d’une stratégie combinant la création de toutes pièces de filiales – comme elle l’a fait très récemment en Suisse – avec la mise en oeuvre d’une politique M&A ambitieuse. Cette dernière, qui s’est encore matérialisée il y a quelques semaines par le rachat d’une structure basée en Australie devant permettre à l’ETI « d’avoir un pied dans une géographie qu’elle connaît assez peu », a été impulsée par Elizabeth Ducottet dès le début des années 1990. « À l’époque, notre objectif consistait à faire de Thuasne un groupe à dimension européenne, rappelle-telle. Or, pour y parvenir, il était impératif de nous développer en Allemagne, un marché important. C’est dans ce cadre que nous avons notre premier rachat d’un distributeur en 1991, suivi d’un deuxième en 2008 ». Discrète sur le montant de ses transactions, l’entreprise en compte à ce jour une quinzaine à son actif, bouclées pour la plupart en Europe et aux États-Unis, où elle en a mené quatre entre 2011 et 2021. « Il s’agit d’opérations de taille petite ou moyenne, se contente de préciser Elizabeth Ducottet. Pour autant, lorsqu’elles nous permettent d’acquérir 6 à 10 % de parts de marché dans un pays, certaines d’entre elles n’en restent pas moins significatives, en particulier celles réalisées outre-Atlantique ». Quoi qu’il en soit, chacun de ces rachats découle d’une volonté de « saisir une opportunité de marché » et s’inscrit dans la même logique. « Nos acquisitions visent soit à gagner des parts de marché, soit à accéder à un savoir-faire ou une technologie que nous n’avons pas encore – c’était par exemple le cas avec la reprise d’une entreprise américaine concevant des ceintures lombaires rigides –, soit les deux, indique Elizabeth Ducottet. Une fois intégrées, les entités reprises, que nous considérons comme des plateformes de lancement, ont vocation à se transformer de sorte à générer une croissance plus vigoureuse ».
Jamais un long fleuve tranquille
Pour identifier ses cibles, Thuasne n’a recours à aucune banque d’affaires. « Le secteur dans lequel nous évoluons n’étant pas vaste, les acteurs mondiaux se connaissent assez bien, d’autant qu’ils ont l’occasion de se côtoyer à plusieurs reprises chaque l’année lors de grands événements dédiés à la santé et organisés sur les différents continents », fait remarquer Elizabeth Ducottet. Ce faisant, la société, qui ne dispose pas de département M&A en tant que tel, s’appuie sur plusieurs de ses responsables, qui assurent une « veille à 360 degrés » permanente. Ce n’est qu’ensuite, lorsqu’une opportunité se présente, qu’un groupe M&A est constitué. Bien que l’entreprise familiale soit rôdée au processus après trois décennies d’expériences fructueuses, sa dirigeante ne minimise pas l’ampleur de la tâche, loin s’en faut. « Entre les longs travaux de due diligence, le besoin de s’assurer de la cohérence de l’opération puis la phase d’intégration, toutes les acquisitions sont problématiques et comportent leur lot d’inattendus ». C’est en partie pour limiter le risque de déconvenues que Thuasne privilégie le maintien des équipes dirigeantes en place lorsque cela est possible, et, plus largement, la nomination de managers nationaux dans chacun des pays où elle est présente (Europe, États-Unis, Inde, Chine…).
Des vues sur l’Asie et le Moyen-Orient
Après être parvenue à s’ériger comme un acteur majeur en Europe et aux États-Unis, l’ETI n’entend pas lever le pied. Marqué par les tensions inflationnistes qui mettent ses marges sous pression et par la persistance de difficultés d’approvisionnement pour certaines matières qu’elle utilise dans la conception de ses produits (fibres qui répondent à des cahiers des charges techniques très stricts édités par les autorités de santé), l’environnement actuel n’est certes pas le plus porteur qui soit. Mais cette situation n’empêche pas Thuasne, qui vise toujours une croissance autour de 4 à 5 % pour son exercice 2023, de rester ambitieuse et tournée vers l’avenir. « Nous sommes un groupe familial, dont la vision s’inscrit sur le long terme », aime ainsi à rappeler Elizabeth Ducottet. Estimant que son potentiel de développement demeure immense, l’entreprise continue ainsi d’examiner différents projets de front, allant de l’extension de sa gamme de produits sur de nouvelles pathologies à la conquête de nouveaux marchés géographiques. Dans ce domaine, elle s’est du reste déjà mise en quête de projets d’acquisitions dans deux régions qui, compte tenu de la montée en puissance des classes moyennes, l’intéressent tout particulièrement : l’Asie et le Moyen- Orient. Mais Elizabeth Ducottet de prévenir : « si des opportunités se présentent ailleurs, nous les saisirons ! »
