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Robertet, un doux parfum d’acquisitions

Après deux acquisitions structurantes réalisées en 1986 et en 2007, le groupe Robertet, leader mondial des produits naturels, multiplie depuis quelques années les rachats ciblés. Ces opérations de croissance externe contribuent aujourd’hui à un tiers environ de la croissance globale de l’ETI familiale, créée en 1850 à Grasse.

« De la graine au parfum. » Pionnier dans la création de molécules naturelles et leader mondial des matières premières naturelles, le groupe Robertet a su s’imposer au fil des décennies comme la seule société de parfums, d’arômes et d’ingrédients naturels entièrement intégrée sur l’ensemble du processus de création, depuis la source jusqu’au parfum ou à l’arôme final. Une spécificité que l’ETI grassoise, fondée en 1850 par la famille Maubert qui la contrôle toujours, aime cultiver à force d’investissements, d’innovation et d’acquisitions. « En rythme de croisière, le M&A nous apporte entre 1 et 3 points de croissance tous les ans. Au cours des cinq dernières années, cette stratégie a ainsi contribué à un tiers environ de notre croissance globale », témoigne Jérôme Bruhat, directeur général de Robertet. Sur la période, l’ETI a vu son chiffre d’affaires bondir de 30 %, à plus de 720 M€.

 

Un changement d’approche

Dans ce domaine, sa dernière emplette remonte à novembre 2024. Établie en Amérique du Nord depuis le début des années 1990, où elle réalise 35 % de ses ventes, elle a annoncé la signature d’un accord en vue d’acquérir Phasex, avec qui elle travaillait étroitement depuis 2018. Basée dans le Massachussets, cette entreprise qui opère notamment sur le marché des produits naturels est spécialisée dans l’extraction au CO2 supercritique. « Il s’agit d’une technologie innovante et écologique que nous utilisons déjà en Europe au travers d’une joint-venture, et qui reste relativement peu développée outre-Atlantique », explique Jérôme Bruhat. Peu avant Phasex, Robertet avait mis la main sur la société indienne Sonarome (arômes), sur l’espagnole Aroma Esencial (transformation de produits naturels), sur la britannique Omega Ingrédients (création d’arômes et ingrédients d’origine naturelle pour l’industrie alimentaire et des boissons), sur la canadienne Ecom Food Industries (fabrication d’arômes et de certains extraits naturels très spécifiques) ou encore sur la française Sirius (huiles essentielles bio), au sein de laquelle elle avait acquis une participation majoritaire.

Autant de transactions qui illustrent le récent changement d’approche de l’ETI familiale en matière d’acquisitions. Avant elles, Robertet avait en effet mené deux opérations majeures, « qui ont été deux grands paris à la fois financiers et industriels », rappelle Jérôme Bruhat. Bouclée en 1986, la première a concerné le rachat de Jay Flavors, qui lui a permis d’affirmer son leadership dans le domaine des arômes naturels aux 
États-Unis et, par là-même, d’accélérer
son internationalisation. Intervenue en 2007, la seconde a porté sur la reprise de Charabot, une autre entreprise familiale basée à Grasse. Capitalisant sur la complémentarité des activités des deux groupes, Robertet est alors devenu le leader mondial sur le marché des matières premières naturelles pour les parfums et arômes.

Deux objectifs recherchés

Or, après avoir digéré ces deux acquisitions, l’ETI a décidé de suivre une autre voie, à rebours de celle poursuivie par les géants de son industrie. « Si nous sommes le numéro 1 mondial des matières premières naturelles, nous ne sommes que le 7 e acteur du secteur des parfums & arômes à l’international, avec une taille jusqu’à dix fois plus petite que celle de nos principaux concurrents. Quand bien même ce secteur s’est sensiblement consolidé au cours des deux décennies écoulées, nous avons cependant exclu de nous engager dans une course effrénée à la taille, considérant que nous risquions de perdre notre originalité en multipliant les acquisitions structurantes », relève Jérôme Bruhat. C’est pourquoi Robertet privilégie dorénavant des acquisitions ciblées, visant à répondre à un double objectif : compléter son empreinte géographique – le groupe est aujourd’hui présent dans une cinquantaine de pays – d’une part, intégrer de nouvelles capacités industrielles et/ou technologiques d’autre part.

D’autres marchés à conquérir

S’appuyant très largement sur les patrons de filiales, et de façon très exceptionnelle sur des conseils externes, pour identifier des opportunités de croissance externe, l’équipe de direction du groupe grassois entend bien rester active sur ce front, alors qu’elle projette d’atteindre un chiffre d’affaires de 1 md€ d’ici 2030. « Même si nous nous sommes déjà significativement renforcés en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique latine, il demeure des marchés stratégiques où nous sommes peu, voire pas, présents », prévient Jérôme Bruhat. C’est le cas par exemple en Asie (Chine, Thaïlande, Indonésie, Inde…), en Australie et en Afrique. Le top management de Robertet et la famille Maubert se montrent d’autant plus confiants dans leur capacité à parachever leurs objectifs de développement international – cet axe fait partie des trois piliers du plan stratégique actuel (voir encadré) – qu’ils peuvent compter sur le soutien plein et entier des nouveaux actionnaires minoritaires du groupe.

Soucieuse de conserver son indépendance, l’ETI – qui est cotée en Bourse depuis 1992, avec un flottant limité – avait vu entrer à son capital en 2019 la société helvético-néerlandaise dsm-firmenich, laquelle n’avait pas masqué ses velléités de la racheter. C’est donc avec soulagement que Robertet a accueilli la décision de cet investisseur, en novembre dernier, de céder la quasi-totalité de sa participation – entre les actions ordinaires et les certificats d’investissement, celui-ci détenait alors 21,8 % du capital – au Fonds Stratégique de Participations (FSP) et à Peugeot Invest. Deux partenaires qui partagent sa volonté d’indépendance et expriment leur intention d’accompagner le « projet ambitieux de développement » de Robertet.

Arnaud Lefebvre

Le premier dirigeant externe dans l’histoire du groupe

Issu de la 4e génération, Philippe Maubert a dirigé le groupe familial durant trois décennies – tandis que ses frères Christophe (directeur division parfumerie) et Olivier (directeur division health & beauty, directeur innovation et président de Villa Blu by Robertet) exercent toujours des fonctions opérationnelles, son fils Julien officie au sein de l’équipe de direction exécutive en tant que directeur division matières premières et directeur RSE. Désormais président non exécutif, le septuagénaire a choisi de passer la main en 2022. Un événement d’autant plus marquant dans l’histoire de Robertet que la direction générale a été confiée à cette occasion à un membre extérieur à la famille, une première ! « Après avait atteint une certaine taille, l’entreprise avait engagé une réflexion sur sa gouvernance, qu’elle souhaitait faire évoluer afin de préparer au mieux sa nouvelle phase de croissance », explique Jérôme Bruhat. En actant la scission des fonctions de président et de directeur général, le groupe familial s’était alors mis en quête d’un dirigeant à même de conduire son plan stratégique, qui fait la part belle au développement international, au développement durable et à l’innovation. Un profil qu’il est finalement allé chercher en externe, au terme d’un processus de sélection mené courant 2021. Avant de rejoindre Robertet, Jérôme Bruhat avait passé plus de 30 ans chez L’Oréal, où il a occupé de nombreuses responsabilités.

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