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JAPY TECH BOIT DU PETIT LAIT

A peine deux ans après sa reprise par le spécialiste du retournement Mutares, le fabricant centenaire de tanks à lait retrouve une santé florissante et passe sous le contrôle de son dirigeant, artisan du redressement.

IL EST RARE QUE L'ISSUE D'UNRETOURNEMENT SOIT COURONNÉE PAR UN MBO.

Habitué des carve-out des activités sous-performantes d’industriels, Mutares cède généralement ses participations à d’autres corporates une fois sa mission accomplie. Pour Japy Tech, la taille de la PME, la rapidité du retournement et le profil du dirigeant ont convaincu le fonds coté allemand à faire une exception. Reprise en novembre 2020 au groupe GEA Farming, l’entreprise dijonnaise aux 20 M€ de revenus est passée tout début janvier sous le contrôle de son directeur général, Philippe Breiss, recruté par Mutares début 2021 pour piloter la restructuration opérationnelle de cette activité déficitaire. Deux ans et un Ebitda positif plus tard, le dirigeant monte un LBO soutenu en minoritaire par UI Investissement qui apporte une mise en fonds propres complémentaire pour assurer à Mutares une belle sortie en multipliant sa mise entre 7 et 10 fois !

Un manager surdimensionné

Pourtant, l’ancien cadre de Valeo était loin de cocher toutes les cases pour réussir ce retournement express. Ni expertise sectorielle, ni track-record du retournement et un passé de cadre de grand groupe pas forcément adapté aux besoins d’une petite structure, à fortiori en difficultés. « Si j’ai pu être sceptique au départ devant le CV de Philippe Breiss, je me suis rapidement laissé convaincre par sa motivation et son expérience de l’après-vente qui s’est révélée d’une utilité déterminante pour la réussite du retournement », témoigne François Martin, chief restructuring officer de Mutares qui a pris le mandat de président exécutif de Japy Tech pendant les deux ans d’actionnariat de la holding cotée allemande. Le choix d’un manager surdimensionné s’est finalement révélé pertinent d’autant que Japy Tech était archi-dépendante de son ancienne maison-mère, sans fonctions support ni force commerciale autonome. Pas de quoi refroidir Mutares qui a l’habitude des détourages complexes à partir du moment où il se fait une conviction sur les fondamentaux et le potentiel de la cible. Et en l’occurrence, Japy Tech cochait toutes les cases de ces belles endormies délaissées par un actionnaire aux priorités stratégiques éloignées. Avec une gamme de produits couvrant à la fois les petites et les grandes capacités de stockage, l’entreprise adresse les exploitations agricoles pour leur vendre ses cuves, tanks et silos qui maintiennent le lait à 4 degrés en attendant son expédition vers les lieux de transformation. Près de 85 % de son chiffre d’affaires est réalisé à l’export, essentiellement en Allemagne où elle est leader avec 30 % de part de marché et en Europe de l’Est où GEA Farm Technologies était bien implanté.

« Avec un positionnement premium, les produits Japy Tech bénéficient d’une excellente réputation de qualité qui attire des clients du monde entier », assure François Martin.

Trouver du cash dans l’urgence

Fondée en 1920 par la famille dijonnaise Hugonnet, l’entreprise centenaire a d’abord fabriqué de simples bidons pour recueillir le lait fraichement tiré dans les fermes avant sa collecte et son acheminement vers les coopératives. À la fin des années 1950, l’entreprise familiale rachète le département laitier de l’ancien fleuron industriel Japy et débute son essor international sous cette marque. Reprise en 1998 par la division Farm Technologies de l’industriel allemand GEA, un des principaux fournisseurs de technologies de transformation des produits alimentaires qui pèse 5 Mds€ de chiffre d’affaires, Japy Tech se fond progressivement dans le moule de son repreneur, obéissant à sa logique commerciale de conquête des très grosses exploitations. Mal gérée avec des marges insuffisantes et une gamme de produits trop large, l’entreprise perdait 3,3 M€ pour un chiffre d’affaires de 17 M en 2020 quand GEA décide de s’en délester auprès de Mutares. Le périmètre cédé au spécialiste du retournement allemand comprend également une entreprise néerlandaise spécialisée dans les équipements de bâtiments d’élevage qui, elle, est rentable. Ce qui exonère GEA de fournir une dote au repreneur pour financer une partie du redressement comme il est d’usage dans les carve-out d’activités en difficultés. « Dès notre arrivée, il a fallu trouver du cash dans l’urgence pour assurer la paye des prochains mois », retrace François Martin, qui a déployé en 20 jours une solution de factoring.

Refonte de l’organisation

Le duo formé par Philippe Breiss aux manettes opérationnelles et son actionnaire s’est ensuite attelé à revoir l’organisation industrielle et commerciale de la PME dijonnaise en rationnalisant la gamme de produits et en améliorant ses marges grâce à la vente en direct. « Au bout d’un an, on est passé de 95 % du chiffre d’affaires assuré par GEA à moins de 50 % », précise le CRO de Mutares. Sa sortie du giron de GEA lui aurait même permis de conquérir de nouveaux marchés comme la Turquie, et surtout d’assurer un service après-vente de qualité auprès de petits clients, délaissés par son ancienne maisonmère. L’entreprise est ainsi passée d’un mode de fonctionnement à flux poussés à une approche proactive en proposant des solutions à tous les moments de vie d’une exploitation. Des mesures qui ont permis d’améliorer les marges de 5 à 7 points et d’atteindre l’équilibre en 2021 et un Ebitda positif de plus de 500 000 € en 2022. Le changement de paradigme commercial et l’écoute des besoins de ses clients a également inspiré au fabricant de tank à lait l’idée d’une application pour remonter les données, la borne iCool : un outil précieux pour optimiser les tournées et contrôler la qualité du lait. Une offre rétrofit devrait être également lancée afin de changer uniquement le groupe froid et donc conserver la cuve plus longtemps. Une nouvelle dynamique qui a également participé à redorer l’image employeur de l’entreprise centenaire. Si le changement d’actionnariat a forcément entraîné quelques départs de salariés attachés à la culture grand groupe, les recrutements ont largement compensé les défections avec un effectif à près de 140 salariés aujourd’hui contre 127 début 2020.

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