Que ce soit via l’European Innovation Council pour financer les deeptech ou via les multiples dispositifs de la Banque européenne d’investissement, les entreprises tricolores bénéficient de milliards d’euros de financements européens.
Pour sa première levée de fonds en 20 ans d’existence, la PME de robotique industrielle Siléane a opté début 2023 pour un attelage atypique en accueillant un pool d’investisseurs composé par le Fonds France Nucléaire, géré par Siparex, accompagné de la filiale de Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes, Garibaldi Participations, et d’un troisième invité insolite : l’EIC Fund. Créé en 2021 et doté de 10 Mds€ à déployer jusqu’en 2027, ce bras armé de la commission européenne pour financer les deeptech du continent est encore peu connu en France. Pourtant les pépites tricolores sont les premières bénéficiaires de ce programme. Des stars de la deeptech, comme le concepteur d’ordinateurs quantiques pour les entreprises et les centres de calcul intensif Pasqal, ont également accueilli l’EIC Fund dans le cadre de larges tours de table à plusieurs dizaines de millions d’euros où l’investisseur public européen est un peu passé inaperçu. Dans le cas de Siléane, la levée de fonds est certes plus modeste, entre 5 et 10 M€, mais elle a déjà permis à la PME stéphanoise d’accélérer sa feuille de route en signant trois croissances externes et en visant le cap des 50 M€ de chiffre d’affaires en 2025, par rapport aux 33 M€ affichés aujourd’hui. Le dirigeant-fondateur de la PME industrielle innovante, Hervé Henry, est resté largement majoritaire au capital à l’issue de ce tour de table qui lui a permis de franchir de nouvelles étapes dans ses ambitions de rayonnement international comme il l’avait annoncé au moment de l’opération : « Dorénavant de concert avec nos partenaires investisseurs, nous renforçons notre capacité à conduire le projet de développement de l’entreprise pour faire de Siléane une ETI familiale, acteur innovant pour la robotique et l’industrie à l’échelle européenne d’ici 2030. » Se revendiquant comme un fonds agnostique, le fonds EIC de la Commission européenne investit dans toutes les technologies et tous les secteurs, dans tous les pays de l’UE et les pays associés à Horizon Europe. « Le fonds EIC s’est établi en tant que force importante dans les investissements de deeptech de l’UE. Cette forme unique de financement via EIC – combinant subventions et capital – se révèle très attractive pour les entreprises les plus prometteuses d’Europe, déclarait Hermann Hauser, membre du conseil d’administration du fonds EIC à l’occasion de cette opération. Grâce à l’investissement du fonds EIC, Siléane poursuivra l’innovation et l’échelle dans de nombreux domaines - mécanique, mécatronique, robotique, vision et intelligence artificielle. »
La France en tête des financements du FEI
Pour les entreprises recherchant des financements européens non dilutifs, la Banque européenne d’investissement (BEI) offre un large panel de dispositifs également. En avril dernier, la société de robotique médicale Wandercraft a reçu une enveloppe de 25 M€ pour la mise au point de son nouvel exosquelette personnel, le premier et le seul autostabilisé, conçu pour un usage quotidien par les personnes à mobilité très réduite. Fin mars, c’est la société de robotique chirurgicale montpelliéraine Quantum Surgical qui a décroché un prêt de 30 M€ auprès de la BEI pour financer la phase précommerciale de son robot chirurgical aux États-Unis et en Europe. Se tourner vers la banque publique européenne permet ainsi de bénéficier de conditions de prêt plus favorables que dans le système bancaire classique, en particulier pour les jeunes pousses qui présentent un risque de défaut plus important.
Il faut dire qu’à l’échelle européenne, la France s’est située l’an dernier au deuxième rang des pays bénéficiaires des financements du groupe BEI, l’institution de financement à long terme de l’Union européenne dont les actionnaires sont les 27 États-membres de l’UE. Sa branche dédiée au financement des PME, le Fonds européen d’investissement (FEI), conçoit et déploie des instruments de capital-risque, de capital de croissance, de garantie et de microfinance. Et cocorico, l’Hexagone a représenté en 2023 le premier pays d’activité du FEI en nombre de transactions et le troisième par le montant des financements. Ainsi, le groupe BEI a déployé en 2023 en France près de 12 Mds€ de financements à long terme accordés directement ou indirectement au secteur privé et aux collectivités territoriales : 10,6 Mds€ issus de la Banque européenne d’investissement et 1,4 Md€ du Fonds européen d’investissement (FEI) dédié au financement des PME. « Avec 1,4 Md€ investis l’an dernier en faveur des PME, l’activité du FEI en France a été marquée par une forte demande qui en fait un de nos marchés les plus actifs et le premier en Europe en nombre de transactions réalisées, a déclaré Marjut Falkstedt, directrice générale du FEI, lors de la publication de ce bilan en février dernier. Par son action essentielle de garantie bancaire incitant les intermédiaires financiers à prendre plus de risques et ses apports à de nombreux fonds d’investissement largement focalisés aujourd’hui sur les technologies propres et
la transition écologique, le FEI est un outil essentiel au développement de PME plus compétitives, plus vertes et plus numériques. »
Tropisme pour les secteurs stratégiques
L’innovation est un axe fort et transversal de l’activité en France. Les investissements dans ce domaine ont atteint 3,9 Mds€ l’an dernier. Dans l’industrie des semi-conducteurs, essentielle au renforcement de l’autonomie stratégique européenne dans un secteur où elle reste trop dépendante des approvisionnements étrangers, la BEI a soutenu à hauteur de 750 M€ Global Foundries. Cet investissement contribuera au financement de sa giga-usine de Crolles (Isère), qui produira à grande échelle des puces FDSOI nécessitant une moindre consommation d’énergie et qui sont utilisées dans de nombreux secteurs parmi lesquels l’automobile, l’Internet des objets (IoT) et les appareils mobiles. La BEI a poursuivi ses investissements dans le secteur de la santé et des sciences du vivant avec le financement de quatre medtechs en 2023 pour un total de 95 M€ : Germitec (technologies de désinfection de sondes médicales par rayonnement ultraviolet), Safeheal (traitement post-opératoire du cancer du côlon), ainsi que Quantum Surgical et Wandercraft citées plus haut.
Montrer patte verte
Outre le soutien des start-up innovantes, la BEI a fléché une large part de ses financements vers les entreprises vertes. Avec 64 % de son volume de prêts dédiés à l’action climatique et environnementale, la France est en 2023 le premier pays bénéficiaire des financements de la BEI dans ce domaine. Cela s’est traduit par un investissement global de 6,9 Mds€ en faveur des énergies renouvelables, des mobilités propres et de l’efficacité énergétique. En 2023, la banque a investi 3,9 Mds€ en France dans le cadre de REPowerEU, une initiative européenne visant à réduire la dépendance de l’Europe à l’égard des combustibles fossiles et à accélérer la transition écologique. Parmi les projets emblématiques financés dans l’action climatique, 2023 a été marquée par plusieurs opérations réalisées dans le cadre du programme de soutien à l’investissement européen InvestEU visant à mobiliser d’ici à 2027 plus de 372 Mds€ de financements publics et privés dans toute l’Europe : 450 M€ de prêt pour le financement de la giga-usine de batteries électriques automobiles d’AESC à Douai ; 250 M€ à l’énergéticien Soregies en faveur des énergies renouvelables et de la modernisation de ses réseaux de distribution. La BEI a participé à hauteur de 150 M€ à la première émission d’obligations vertes de l’équipementier automobile Valeo et a investi 442 M€ pour développer de nouveaux réseaux de chaleur et de froid d’Engie dans 16 sites en France.