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L’OBO : le scénario du compromis

À l’heure où le marché du M&A tarde à redémarrer et que les valorisations sont en berne, les opérations d’Owner buy-out semblent tirer leur épingle du jeu, formant un bon compromis entre le financement de la croissance de l’entreprise et la sécurisation du patrimoine de l’entrepreneur, voire l’anticipation de sa transmission.

Dans un contexte de marché morose depuis plus de trois ans exacerbant la frilosité des fonds, les opérations d’owner buy-out semblent moins souffrir de la traversée du désert du private equity. Même s’il est difficile d’isoler ces LBO minoritaires dans une catégorie à part, les statistiques de France Invest ne portant que sur des opérations de capital-transmission sans distinction de leur segmentation en buyout majoritaire ou minoritaire. Or, la différence entre les deux types d’opération ne relève pas que de la nuance. Dans le cas des LBO classiques, l’entrepreneur-dirigeant cède le contrôle de son capital et transmet la propriété de son entreprise à un actionnaire financier aux côtés d’un management minoritaire, tandis que pour l’owner buy-out, c’est l’entrepreneur qui garde le contrôle du capital, se revendant l’entreprise en quelque sorte à lui-même en introduisant un effet de levier pour sécuriser une partie de son patrimoine et en invitant un fonds minoritaire pour optimiser son cash-out. « Le scénario de l’OBO est encore assez méconnu chez les entrepreneurs qui entament souvent la réflexion sur l’ouverture de capital au moment de la transmission », souligne Mouna Selmi, présidente de la boutique M&A small cap Arcéane. « L’owner buy-out constitue souvent une étape transitoire idéale pour sécuriser partiellement son patrimoine tout en poursuivant l’histoire de l’entreprise pendant encore un cycle ou deux », poursuit la banquière d’affaires. Pour les entreprises familiales sans management intermédiaire déjà intégré au cercle actionnarial, l’OBO peut même s’avérer une étape indispensable pour rassurer les fonds de private equity sur la continuité de la gouvernance et éviter d’avoir comme seule option de cession l’adossement industriel. « La configuration où le dirigeant cède la majorité du capital tout en restant aux manettes opérationnelles pose souvent la question de la véritable motivation du vendeur à s’investir réellement dans un nouveau cycle de croissance », relève ainsi l’associé d’un des fonds small cap historiques du marché, qui trouve l’OBO bien plus sécurisant pour une opération primaire, surtout pour des PME encore très dépendantes de leur fondateur. « En revanche, l’OBO n’est pas du tout la solution appropriée pour un dirigeant pressé de sortir et qui considère cette étape comme un préalable à la retraite », prévient Mouna Selmi. Car le rythme d’un partenariat avec un professionnel de l’investissement n’est pas tout à fait propice à lever le pied pour une préretraite dorée. Les trois premières années surtout sont intenses pendant lesquelles le fonds voudra mener au pas de charges les projets de croissance externe ou de conquête de nouveaux marchés pour en récolter le fruit dans les revenus et l’Ebitda de sa participation avant sa sortie. « Les fonds d’investissement ont une nette préférence pour des dirigeants qui souhaitent réaliser un peu de cash-out et anticiper leur transmission à l’aube de la cinquantaine et parfois même avant », poursuit la présidente d’Arcéane.

Anticiper la transmission

Ce fut ainsi le cas du fabricant nordiste de pompes et de cuves de stockage pour l’agriculture Renson qui a signé en début d’année un deuxième OBO avec Crédit Mutuel Equity pour assurer la transmission managériale du dirigeant majoritaire, Bruno Chesnel, à son fils et son gendre. Six ans après son dernier OBO, le spécialiste de la gestion des fluides pour le monde agricole, réalisant 26 M€ de chiffre d’affaires, orchestre la sortie de l’investisseur régional Re-sources, entré en 2019, remplacé par Bpifrance et Banque Populaire Nord Développement, auprès de Crédit Mutuel Equity, qui conserve sa place de premier investisseur minoritaire. Le pool financier détient environ 30 % du capital aux côtés de Bruno Chesnel, majoritaire avec sa famille, et qui signe un pas de plus dans la transmission progressive à son fils Léopold Chesnel et son gendre Tanguy Desrousseaux. Entrés lors du précédent OBO, le duo se relue à l’occasion de cette opération qui voit également l’ouverture du capital à d’autres cadres dirigeants, formant ainsi le cas d’école typique d’un owner buy-out cochant toutes les cases. Ce type d’opération ne concerne pas seulement le small cap, loin de là. Les ETI familiales sont bien au contraire très friandes de ces ouvertures de capital progressives à un actionnariat financier qui continue à susciter une méfiance atavique. Ainsi du groupe drômois de services bureautiques et informatiques Koesio, qui a ouvert pour la première fois son capital fin 2023 à un consortium d’investisseurs mené par Montefiore aux côtés d’un trio de captives bancaires. Cet OBO, qui a valorisé le groupe plus d’1,3 md€, illustre ces attelages atypiques marquant la crise actuelle du M&A, où les opérations valorisées plus de 500 M€ se comptent sur les doigts d’une main. Le consortium a misé un ticket compris entre 150 et 200 M€ pour obtenir 25 % du capital, 58 % restant aux mains du dirigeant-fondateur Pieric Brenier, et le reste réparti entre le management et les quelque 2000 salariés actionnaires via le FCPE mis en place depuis 2016.

Financer
la croissance

Mais si cet OBO répondait essentiellement à un enjeu de préparation de transmission, d’autres opérations minoritaires de ces derniers mois ont été motivées par la nécessité de trouver de l’argent frais pour financer la croissance, sans complètement remettre à plat le tour de table dans un contexte peu propice aux opérations majoritaires. L’owner buy-out est dans ce cas un moyen d’accélérer la croissance et de saisir les opportunités d’acquisitions dans des secteurs en forte consolidation. « Même en minoritaire, la gouvernance d’un fonds d’investissement permet au dirigeant de s’outiller pour la croissance externe et de recruter des cadres intermédiaires pour être moins dans l’opérationnel et plus dans le stratégique », souligne Patrice Klug, fondateur de la boutique de M&A Entreprise & Décision qui est une des rares à revendiquer une spécialité dans les OBO small cap. « L’essentiel est de bien comprendre la motivation des entrepreneurs dans ce type d’opération et de bien cerner leurs besoins car aujourd’hui la palette de l’offre est très large entre le flex equity pour éviter toute dilution mais sans maximiser son cash-out, l’OBO minoritaire qui permet de sécuriser une partie du patrimoine et le LBO majoritaire qui suppose de renoncer au contrôle du capital », insiste celui qui se voit comme un coach de dirigeant plus qu’un conseil M&A classique. L’arbitrage se fait aussi en fonction de la projection de ce que vaudra l’entreprise dans quatre ou cinq ans. Dans un contexte d’incertitude qui rend les fonds moins généreux sur les valorisations, l’OBO peut être également un scénario de « moins-pire » quand on estime que le marché ne valorise pas correctement son entreprise et que l’on table sur un multiple d’Ebitda un ou deux tours supérieurs au prochain cycle avec un LBO majoritaire. Dans tous les cas, il ne faut pas oublier qu’un fonds d’investissement achète l’avenir et non le passé et sera donc prêt à payer d’autant plus cher qu’il aura la conviction que l’optimum n’est pas encore atteint. C’est ainsi que le distributeur de produits italiens haut de gamme Storia e Sapori vient de signer un OBO en début d’année avec BNP Paribas Développement et Go Capital pour une valorisation entre 25 et 30 M€ en haut de la fourchette du secteur, qui se traite entre 6 et 9 fois l’Ebitda. Créée en 2014 par trois fondateurs issus du milieu de la restauration, Storia e Sapori a connu un croissance fulgurante ces quatre dernières années, passant de 10 M€ de revenus en 2021 à 24 M en 2024. Sa forte croissance et son positionnement haut de gamme lui ont valu les marques d’intérêt d’acquéreurs industriels et financiers, ce qui a poussé ses fondateurs à mandater la boutique M&A Pax Corporate Finance pour un OBO primaire, leur permettant de réaliser un cash-out partiel tout en restant aux manettes de leur entreprise et en accélérant leur plan de croissance avec l’objectif de dupliquer leur modèle hors d’Ile-de-France.

Houda El Boudrari

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