Vous avez pris les rênes d’Imerys quelques jours avant le début de la pandémie du Covid-19 alors que le cours de bourse du groupe était assez chahuté. Dès votre arrivée, vous avez annoncé vouloir donner une posture internationale au groupe. Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment se répartit l’activité du groupe au plan mondial ?
J’ai pris mes fonctions de directeur général d’Imerys le 17 février 2020. Je connaissais bien le groupe puisque j’y ai occupé diverses fonctions de 2002 à 2018. Imerys a toujours été un groupe international. Nous sommes le leader mondial des spécialités minérales pour l’industrie. Nous sommes organisés autour de deux segments : les minéraux de performance et matériaux et solutions de haute température qui servent nos principaux marchés. Nous exploitons plus de 230 sites industriels dont 100 gisements miniers à travers le monde avec une présence commerciale dans 142 pays et répartis sur les trois zones géographiques que sont les Amériques (28 % du CA), EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique ; 48 % du CA) et APAC (Asie Pacifique ; 24 % du CA). Notre chiffre d’affaires était de 4,4 mds€ en 2021.
Imerys a entamé sa transformation en annonçant cet été la vente de Calderys, puis celle de ses actifs servant les marchés du papier. Pourquoi ces cessions quasi-concomitantes ? Quel message vouliez-vous donner au marché ?
Ces deux cessions représentent une étape importante dans le recentrage du groupe vers son coeur de métier, les minéraux de spécialité en forte croissance, que portent les grandes tendances du marché mondial. Nous avons d’abord annoncé, le 28 juillet dernier, la cession de notre activité Solutions de Haute Température. Nous sommes entrés en négociations exclusives avec Platinum Equity, fonds d’investissement international actif dans un grand nombre d’industries, pour une valeur d’entreprise d’environ 930 M€. Cette transaction sera prochainement conclue. Puis, le 9 septembre dernier, nous avons entamé des négociations exclusives avec Syntagma Capital en vue de la cession de nos actifs servant le marché du papier. Cette transaction devrait se conclure dans le courant de l’année 2023. Nous souhaitons dorénavant nous focaliser sur nos trois grands marchés de croissance : la mobilité verte et l’énergie, la construction durable et les solutions naturelles pour les biens de consommation.
Vous avez récemment annoncé la construction d’une mine de lithium en France. En quoi cet investissement marque-t-il un changement dans la physionomie du groupe ?
Le 24 octobre dernier, nous avons officiellement lancé notre projet d’exploitation de lithium sur notre site de Beauvoir (département de l’Allier) qui produit du kaolin pour la céramique. Ce projet vise à renforcer notre leadership et notre expertise dans les composants pour batteries Li-ion et à compléter notre offre, comprenant déjà le noir de carbone et le graphite synthétique produits sur nos sites de production de Willebroek (Belgique) et Bodio (Suisse). Notre présence dans le secteur du lithium s’inscrit dans l’évolution stratégique du groupe vers le développement de son portefeuille d’activités de spécialités minérales axées sur l’énergie durable.
Comment ce projet peut-il répondre à la relocalisation en Europe des réponses au défi énergétique ?
Une fois mené à bien, ce projet contribuera aux ambitions de la France et de l’Union Européenne en matière de transition énergétique. Il permettra d’accroître notre souveraineté industrielle à l’heure où les fabricants de batteries et les constructeurs automobiles sont fortement dépendants des importations de lithium, élément essentiel de la transition énergétique.
En quoi le développement durable influence-t-il la stratégie du groupe ?
Le développement durable fait pleinement partie de notre stratégie. Il n’est pas seulement une obligation, c’est aussi un puissant moteur de croissance. Nous continuons à améliorer notre position de chef de file en matière de développement durable et ce au regard des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Nous disposons d’une feuille de route claire, conforme aux engagements de l’Accord de Paris, qui fixe des objectifs fondés sur la science et des actions concrètes pour réduire de manière significative les émissions de carbone de nos activités et mettre au point des produits à faibles émissions pour nos clients. Nous avons notamment comme objectif de réduire de 36 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport au chiffre d’affaires (tCO2/M€), à partir de l’année de référence 2018, tel qu’approuvé par la SBTI (Science-based targets initiative). Cette stratégie est portée par Mme Leah Wilson qui vient d’être nommée directrice du développement durable et membre du comité exécutif. Vos objectifs annoncés de croissance organique annuelle s’établissent entre 3 et 5 % en moyenne entre 2023 et 2025. Par quoi va-t-elle passer ?
Imerys aborde une nouvelle phase de son développement et a pour ambition d’atteindre une croissance organique de 3 à 5 % par an en moyenne entre 2023 et 2025, grâce à des investissements stratégiques dans des marchés à forte croissance, alignés sur trois grandes tendances : la mobilité verte et l’énergie, la construction durable et les solutions naturelles pour les biens de consommation. Le groupe a pour ambition de faire progresser sa marge d’EBITDA courant de 16,5 % en 2022 à 18-20 % en 2025 grâce à une croissance organique plus élevée, l’augmentation de la contribution des investissements stratégiques et l’amélioration continue des coûts et de l’efficience opérationnelle à travers les programmes d’optimisation des achats et des opérations industrielles.
Considérez-vous être en train de procéder à une vraie mutation de la ligne stratégique d’Imerys, ou inscrivez-vous votre action dans la poursuite de celle-ci ?
Imerys est un groupe en mouvement. Nous allons continuer à investir autour de 400 M€ par an entre 2023 et 2025 avec notamment la construction de nouvelles capacités de production dans les marchés en forte croissance. Nous avons également la volonté de diversifier notre portefeuille en devenant un acteur majeur du lithium en Europe avec notre site français de Beauvoir, dans l’Allier. Je m’inscris dans la continuité des actions déjà engagées, tout en procédant à un recentrage sur les marchés porteurs à moyen et long terme. Un vrai challenge qui m’anime au quotidien.