Acteur français de référence du traitement de l’eau, qui a développé une innovation majeure de dessalement bas carbone d’eau de mer et d’eau saumâtre par énergie solaire, Osmosun a fait ses premiers pas en bourse, sur Euronext Growth, le 10 juillet 2023. Retour sur une opération à grand succès avec Quentin Ragetly, PDG d’Osmosun, et Annie Maudouit, associée de Winston & Strawn.
Quelle est l’histoire d’Osmosun ?
Quentin Ragetly : L’entreprise a été créée en 2014 sous le nom Mascara Nouvelles Technologies par Marc Vergnet et Maxime Haudebourg. Jusqu’en 2019, l’équipe se concentrait principalement sur l’innovation, le dépôt des brevets et la recherche de solutions technologiques visant à améliorer l’accès à l’eau des populations, en s’appuyant sur l’eau de mer et en procédant à son dessalement par le recours aux énergies renouvelables. Une fois la technologie trouvée et la proposition de valeur élaborée, il a fallu développer commercialement l’entreprise pour qu’elle passe du stade de start-up à celui d’une PME en croissance.
Une levée de fonds a donc été préparée en 2019. D’un montant d’un peu plus de 2 M€, elle a été réalisée auprès de deux fonds d’investissement régionaux et deux fonds d’impact, mais aussi auprès du public puisqu’une partie a été réalisée par crowdfunding. Dès cette époque, nous avons souhaité associer le public au développement et à la croissance de l’entreprise et nous avons toujours rencontré un fort engouement du public à nous soutenir. C’est à cette occasion que j’ai rejoint le groupe. J’étais bien sûr convaincu par l’innovation technologique et par le projet d’entreprise qui est porteur de valeurs essentielles et d’empreinte environnementale. J’ai alors participé activement à la transformation de la société. Nous avons réalisé 2 M€ de chiffre d’affaires en 2021, puis 4,60 M€ en 2022. En deux ans et demi, près d’une soixantaine de projets ont été conclus à travers le monde. Nos ambitions sont fortes : à horizon 2027, nous prévoyons un chiffre d’affaires de 48 M€ et une centaine de salariés.
Pourquoi avoir choisi l’IPO pour accompagner cette croissance ?
Q.R. : Nous avions fait partie du programme d’accélération des PME de Bpifrance, en mai 2022, qui nous avait conduit à réaliser un audit interne et à identifier les éventuels freins au développement de l’entreprise. Est assez rapidement apparue la question du financement de la croissance organique, de l’innovation et de la croissance externe. La révision de notre BP prévisionnel a démontré que nous avions besoin de lever entre 8 et 10 M€ pour nourrir ces ambitions. Deux voies étaient alors possibles : le private equity et l’IPO. Notre préférence pour la voie boursière s’est vite dégagée puisqu’elle était un moyen de continuer ce fil rouge qui nous est cher, d’associer le public à notre vie d’entreprise. Notre choix a été confirmé par les acteurs du milieu, notamment Frédéric Boiffin, directeur du listing région ouest d’Euronext, qui nous ont assuré que l’entreprise répondait aux critères d’éligibilité pour mener une IPO. En janvier 2023, le board d’Osmosun a pris la décision de lancer le processus.
Annie Maudouit : Une fois les banques mandatées, la société rencontre les avocats spécialisés en droit boursier. Ici, c’était plus que du savoir-faire boursier que l’équipe de management recherchait. Ils se sont entourés de conseils qui partagent leurs convictions, leur approche environnementale et sociétale et plus généralement leur démarche. Or ce sont des valeurs qui me parlent et pour lesquelles je m’investis sur mon temps personnel. Je suis notamment engagée auprès de Surfrider Foundation Europe pour la protection des littoraux. Au sein du collectif Surfrider Blue, je me sers de mon expertise et de mon réseau pour aider l’association à lever des fonds pour financer ses projets. Avec Osmosun, c’était l’occasion rêvée de pouvoir mettre toute mon expérience en droit boursier au service du projet porté par Quentin et Maxime. Toute l’équipe Winston a immédiatement adhéré au projet et a eu le sentiment d’apporter sa petite pierre à l’édifice pour qu’il soit plus connu et continue à se développer. Nous nous sommes engagés à leurs côtés comme des partenaires et non comme de simples conseils externes.
Q.R. : Dès le début, on a compris que l’opération allait nous faire grandir, nous structurer pour nous engager dans la croissance. C’est une étape très exigeante et la société doit être prête. C’est pourquoi elle doit être entourée par des partenaires qui partagent son engagement, ses valeurs pour qu’ils ne la dénaturent pas pendant le process. Dans tous les pitchs, j’ai demandé à nos interlocuteurs pourquoi ils voulaient accompagner Osmosun dans cette IPO. La réponse d’Annie était très claire : elle partage nos valeurs à travers sa vie associative et dans ses convictions personnelles. Son dynamisme, sa clarté et sa précision ont été importants pour nous à chaque étape du calendrier. Avec elle, on savait où on allait.
Comment a été préparée l’opération d’IPO ?
A.M. : La société étant structurée sous forme de SAS, nous avons donc d’abord transformé sa forme sociale pour qu’elle devienne une SA et avons refondu ses statuts. Ce changement était l’occasion de repenser la gouvernance du groupe et de créer un conseil d’administration. Une société cotée doit respecter la soft law et la hard law en matière de composition du conseil d’administration, notamment des règles portant sur la parité, la diversité… Ce sont des éléments à ne surtout pas négliger car ils sont attendus par le régulateur et par le marché.
Autre élément important : en tant que SAS, la direction d’Osmosun était bicéphale, puisque Quentin et Maxime avaient toujours fonctionné avec les mêmes pouvoirs juridiquement. En SA à conseil d’administration, cette formule n’est pas transposable. Il est possible d’avoir un président du conseil d’administration qui a des fonctions non exécutives, mais ce n’était pas pertinent pour Osmosun car Quentin et Maxime sont tous les deux très investis dans le management. Nous avons donc opté pour un modèle dans lequel Maxime est devenu directeur général délégué et Quentin a été nommé président directeur général. Cette réflexion avait été anticipée en interne dans une optique de transmission du top management.
Q.R. : Nous avons également beaucoup travaillé sur les risques juridiques, l’exposition du groupe à travers ses contrats commerciaux. Pour préparer le document d’enregistrement, la due diligence qui doit être menée en deux mois est absolument phénoménale. Il n’existe pas un sujet qui n’est pas analysé dans l’entreprise. C’est aussi l’occasion d’améliorer nos process, nos méthodes et nous l’avons pris comme une étape très positive.
Au niveau de la communication financière, les détails sont également essentiels et cette due diligence nous a permis de structurer notre discours pour présenter l’entreprise. Nous avons réfléchi à notre marché, à la concurrence, à l’international… Nous sommes allés bien plus loin dans nos réflexions et nos projections que ce que nous faisions jusqu’à présent.
A.M. : Dans le document d’enregistrement, les facteurs de risque ont une place très importante et l’analyse menée doit être aussi bien juridique que comptable, financière et opérationnelle. Le management est longuement interrogé et l’ensemble des risques potentiels sont soulevés, puis quantifiés. Il y a également un chapitre sur la gouvernance qui amène à se poser des questions sur la structuration de la rémunération, notamment sur la partie variable et les critères sur lesquels celle-ci repose.
Le contexte boursier était tout de même compliqué ces derniers mois. Qu’avez-vous mis en place pour sécuriser au mieux l’IPO ?
Q.R. : Plusieurs investisseurs sont entrés au capital en amont de l’IPO. D’abord les associés historiques, fonds d’investissement. Mais nous avons également fait entrer OKwind au capital, à la fois via des obligations convertibles pré-IPO et ensuite par souscription d’actions lors de l’IPO. OKwind est une société avec laquelle nous avons commencé à discuter fin 2022 et nous avons rapidement fait le constat que nous avions des synergies à développer techniquement et commercialement. Elle est positionnée dans les énergies renouvelables mais se concentre essentiellement sur les secteurs agricole et de l’eau. Dans notre processus d’IPO nous nous sommes d’ailleurs fait accompagner par les deux banques qui avaient suivi l’IPO d’OKwind en 2022, TP ICAP et Portzamparc (Groupe BNP). Il est toujours intéressant pour un dirigeant d’échanger avec un autre manager qui a connu les mêmes étapes de développement. Et celui-ci a vite manifesté son attrait pour Osmosun et sa volonté d’entrer au capital pour nous soutenir.
A.M. : Dans un contexte de marché boursier compliqué, il est de plus en plus fréquent, notamment sur le marché des small et midcaps, de sécuriser une partie de l’IPO par l’émission d’OC en amont de l’opération. Ce sont des liquidités qui entrent dans l’entreprise en amont de l’entrée en bourse, ce qui reste très intéressant tant pour l’entreprise que pour les investisseurs qui font le choix de rentrer avant que le projet de cotation ne soit abouti. Ces investisseurs s’engagent à souscrire à des actions nouvelles dans le cadre de l’IPO par compensation avec leur créance obligataire ou par conversion des OC. Dans l’un ou l’autre cas, le prix de souscription des OC est pris en compte dans le montant global de la levée de fonds lors de l’IPO. Certains investisseurs vont même plus loin, comme l’a fait OKwind, en prenant l’engagement de souscrire des actions supplémentaires dans le cadre de l’IPO. C’est une façon d’annoncer au marché, avant le lancement de l’IPO, que l’entreprise est solide et qu’elle attire déjà les investisseurs et notamment des industriels qui croient au projet.