Et de sept ! Début septembre, Legrand faisait coup double en annonçant le rachat simultané des entreprises colombienne UPSistemas (intégration, mise en service, maintenance et suivi d’infrastructures techniques) et australienne Australian Plastic Profiles (cheminements de câbles pour tous types de bâtiments). S’ajoutant aux cinq autres acquisitions déjà réalisées depuis janvier 2024, ces deux nouvelles transactions sont ainsi venues alimenter « un rythme de croissance externe particulièrement dynamique cette année », comme l’a fait remarquer Benoît Coquart, directeur général du spécialiste mondial des infrastructures électriques et numériques du bâtiment (8,4 mds€ de chiffre d’affaires en 2023).
Une équipe de 5 personnes en central
Ce constat n’a, du reste, rien d’inhabituel pour le groupe limougeaud, membre du prestigieux CAC 40. « Depuis 1954, nous avons réalisé plus de 190 acquisitions
en France et à l’étranger, dont près
de 70 sur les quinze dernières années qui ont généré un apport de chiffre d’affaires de 3,2 mds€ », calcule Ronan Marc, son directeur relations investisseurs, financement et trésorerie. Déterminante, donc, dans le développement de la société au cours des sept décennies écoulées, sa stratégie M&A répond à un cahier des charges très précis. « Nous n’achetons que des entreprises ayant une position de n° 1 ou de n° 2 sur leur marché, et ce sur la base de prix maîtrisés devant permettre un retour sur investissement au bout de trois à cinq ans en termes de création de valeur », précise Ronan Marc. Pour mener à bien de telles opérations, Legrand s’appuie, en central, sur un département dédié de cinq personnes. Directement rattaché au directeur général, celui-ci a en charge la réalisation des diverses due diligences (financières, fiscales, R&D, ESG, évaluation du dispositif industriel…) et les aspects juridiques. « En règle générale, le directeur général du groupe voit arriver sur son bureau un projet d’acquisition par semaine », signale Ronan Marc.
Un critère de la rémunération variable
Ces tâches mises à part, le processus M&A défini par la société est largement décentralisé, si bien que la conduite de la croissance externe figure parmi les principales prérogatives des 90 directeurs pays. « Nous attendons d’eux qu’ils consacrent environ 20 % de leur temps
à cette thématique », insiste Ronan Marc. Dans ce cadre, ce sont eux qui ont pour mission de nouer le plus en amont possible et d’entretenir la relation avec les cibles potentielles, facilement identifiables à l’aune de la volonté de Legrand de n’acquérir que des leaders. « Le fait d’avoir ainsi initié les contacts nous permet le plus souvent de nous retrouver rapidement dans une situation d’exclusivité lorsque le dirigeant se décide à vendre », apprécie Ronan Marc. Le sourcing des cibles, qui sont très majoritairement des entreprises familiales, peut aussi être influencé par des consignes spécifiques venues du siège, lorsque le comité de direction émet son intention de se positionner sur de nouveaux segments de marché, dits « adjacents ». C’est ainsi que Legrand s’est fortement développé, ces dernières années, dans les domaines des « Uninterruptible Power Supply » (UPS, Alimentation Statique sans Interruption) et des datacenters.
A l’occasion de la préparation du budget pour l’exercice suivant, les listes de cibles sont ainsi passées en revue avec chaque patron de pays, dont la rémunération dépend d’ailleurs en partie de son activité en matière de M&A. « Aux côtés des 70 % liés à l’évolution de la marge et des parts de marché, et des 20 % liés aux performances RSE, l’essentiel des 10 % restants du bonus est conditionné au bilan relatif à la croissance externe », informe Ronan Marc.
Un « processus d’arrimage »
confié à la direction financière
Lorsque les négociations vont à leur terme, Legrand a pour pratique de reprendre l’intégralité du capital de la cible, tout en conservant sa marque et son organisation. Plutôt que de parler, ensuite, d’intégration,
le groupe préfère s’atteler à « l’arrimage »
de ses nouvelles filiales. Ce volet incombe alors à la direction financière, au sein de laquelle une équipe multi-disciplinaire va commencer par établir une batterie de sujets à traiter, à court et moyen termes selon leur degré d’importance. Au-delà d’une bonne mise en œuvre du business plan défini, la priorité est donnée au reporting financier – en tant que société cotée, Legrand doit les consolider dans ses comptes et son bilan – ainsi qu’à la mise en conformité des process et des systèmes d’information. Le suivi formel des avancées de ces arrimages s’effectue dans le cadre de comités de pilotage trimestriels, auxquels participe le directeur général.
La société se donne un délai maximum
de deux ans pour intégrer les performances extra-financières de ses nouvelles entités dans ses principaux indicateurs RSE.
Des ambitions intactes
Après une année 2024 dynamique sur le front des acquisitions, Legrand n’entend absolument pas lever le pied. Dans le cadre de son plan nouveau plan stratégique à horizon 2030, dévoilé fin septembre, il s’est fixé comme objectif une croissance annuelle moyenne de son chiffre d’affaires liée au M&A comprise entre + 3 % et + 5 % sur la période. « Près
de 350 sociétés figurent dans notre target list, que nous actualisons constamment », relève Ronan Marc. Il faut dire qu’avec
près de 5 000 entreprises évoluant sur
les marchés sur lesquels Legrand est présent, les opportunités ne manquent pas.