Le leader de l’exploitation de domaines skiables et de parcs de loisirs a bien remonté la pente après la crise sanitaire et renforcé un troisième axe de diversification en rachetant, au printemps dernier, MMV, deuxième opérateur hôtelier des Alpes françaises.
CONCILIER L’IVRESSE DE L’ALTITUDE et la sobriété d’une stratégie zéro net carbone, c’est le pari de la Compagnie des Alpes, numéro un mondial de l’exploitation des domaines skiables et l’un des principaux opérateurs européens de parcs de loisirs. Verdissement des stations, diversification des activités à la montagne, expansion de ses principaux parcs et création d’une nouvelle marque pour son activité immobilière, « Maison Haute », qui devient le premier réseau d’agences des Alpes… 18 mois après avoir pris les manettes opérationnelles, Dominique Thillaud imprègne de son optimisme énergique la stratégie du groupe de loisirs au « positionnement unique » avec sa dizaine de stations de haute altitude françaises (La Plagne, Les Arcs, Tignes, Val d’Isère, Serre Chevalier…) et ses douze parcs de loisirs (Astérix, Futuroscope, Walibi…). « La crise sanitaire nous a appris que des événements inimaginables peuvent surgir et que nous devons nous adapter constamment à un environnement volatile », confie le directeur général de la Compagnie des Alpes, qui doit aujourd’hui faire face à l’explosion du prix de l’électricité, dont la facture va quasiment tripler cette année après avoir été multipliée par deux l’année dernière. Mais si le groupe fait des efforts pour réduire sa consommation d’énergie d’environ 8 à 10 % en 2023, il n’est pas question de sacrifier le confort de ses clients choyés à coup de remontées mécaniques flambant neuves et d’attractions incroyables, comme Chasseurs de Tornades, la nouvelle attraction technologique à sensations du Futuroscope, qui a obtenu en 2022 le titre de « Meilleure Attraction au monde » lors du concours de référence dans le secteur des parcs à thèmes à Orlando.
Plus d’un milliard d’investissement en 10 ans
« Nous ne levons pas le pied sur les investissements car notre priorité est d’améliorer constamment la satisfaction de nos clients tout en limitant notre impact sur l’environnement avec pour objectif d’atteindre la Neutralité Carbone à horizon 2030 », déclare Dominique Thillaud. Des investissements évalués à plus d’1 Md€ ces dix dernières années et qui lui valent une avalanche de récompenses pour chacun de ses trois métiers : domaines skiables, parcs de loisirs et distribution & hospitality. Il faut dire que la filiale cotée de la Caisse des Dépôts et Consignation, actionnaire à hauteur de 42 % du capital, a renforcé ses fonds propres en juin 2021 grâce à une augmentation de capital sursouscrite de 231 M€ et sécurisé en décembre dernier un nouveau financement bancaire à maturité de cinq ans pour 200 M€ en plus d’un prêt participatif de 43 M après avoir contracté une ligne syndiquée RCF (Revolving Credit Facility) d’un montant de 300 M€ en juin 2022 (en remplacement d’une ligne existante de 250 M qui arrivait à échéance en mai 2023). De quoi se donner les moyens de faire quelques emplettes pour renforcer ses activités transverses. D’autant qu’après avoir vu ses revenus fondre lors d’un exercice 2020-2021 marqué par l’interdiction des remontées mécaniques et la fermeture des parcs de loisirs sept mois sur douze, tous les voyants sont revenus au vert et la CDA a renoué avec son trend de croissance pré-covid avec un chiffre d’affaires de 958,50 M€ pour l’exercice 2021-2022, clos le 30 septembre, en hausse de 17,8 % par rapport à 2018-2019, dernière année de référence avant la pandémie. Et cette nouvelle année s’annonce plutôt sur la même dynamique. Malgré un manque de neige en décembre, la Compagnie des Alpes a réalisé un chiffre d’affaires au premier trimestre de son exercice décalé de 202,3 M€, avec une hausse de 15,3 % à périmètre comparable, c’est-à-dire retraité de l’acquisition de MMV second opérateur d’hôtels et de résidences clubs des Alpes françaises, réalisée en juin dernier.
Lutter contre les « lits froids »
Le rachat concerne dans un premier temps 85 % du capital, les 15 % restants demeurant « trois à quatre ans » aux mains des deux principaux dirigeants de MMV. La transaction valorise l’entreprise 172,60 M€, soit moins de sept fois l’Ebitda de l’hébergeur. Cette acquisition accélère la diversification du groupe créé par l’Etat en 1989 pour sauver les stations françaises et devenu un mastodonte du tourisme hexagonal. « Il s’agit d’une opération importante pour la Compagnie des Alpes qui, en se dotant d’une offre d’hébergement de qualité et centrée sur les familles, pourra directement contribuer à la sécurisation de lits chauds – en offrant une alternative aux ventes à la découpe – comme au renouvellement de la clientèle des stations, déclarait Dominique Thillaud au moment de l’annonce du rachat. MMV viendra renforcer notre division Distribution & Hospitality dédiée à la vente de séjours en montagne et bénéficiera de son adossement à la Compagnie des Alpes pour accélérer ses projets de développement. » La Compagnie des Alpes se donne ainsi les moyens de lutter contre les « lits froids », ces appartements issus de résidences de tourisme désormais sortis des circuits commerciaux. Leur nombre croissant met en péril l’industrie du ski, puisqu’elle la prive de clients dans un contexte où la construction en montagne devient toujours plus difficile et coûteuse. Fin janvier, le groupe a annoncé la création d’une marque commerciale unique baptisée Maison Haute sous laquelle vont désormais opérer ses 12 agences immobilières. Intégré à la business unit Distribution & Hospitality créée depuis octobre 2022, Maison Haute devient le premier réseau d’agences des Alpes, avec 12 900 lits sous gestion.
Ce troisième axe d’activités transverses de la CDA regroupe désormais, outre ce réseau d’agences immobilières, les résidences et hôtels MMV, les résidences lifestyle Yoonly&Friends et le groupe Travelfactory leader de la distribution en ligne de séjours de ski en France, racheté en 2018. En septembre 2021, la Compagnie des Alpes a également mis la main sur la marque Evolution 2 et pris une participation majoritaire de 60 % du capital de 10 sociétés sous licence Evolution 2 implantées dans les Alpes, dont 5 dans des stations du groupe. Progressivement, la CDA étend ainsi son emprise sur la chaîne de valeurs de la montagne française, investissant dans la distribution de séjours, les activités, et même la mobilité, en relançant le train de nuit entre Londres et les Alpes. Mais si Dominique Thillaud se dit « prêt à saisir d’autres opportunités de croissance externe dans l’hébergement de qualité en montagne », il n’a pas vocation à intégrer toute la chaîne de valeurs d’une station. « CDA n’a pas l’intention de racheter des restaurants, ni des magasins de sport, ni même des écoles 100 % ski ! », défend le dirigeant qui sait garder la tête froide contre les accusations d’ambitions hégémoniques…
