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Le rôle (parfois) sous-estimé des pouvoirs publics

S’ils viennent parfois perturber, voire mettre à mal, un processus d’acquisition, les pouvoirs publics peuvent surtout jouer un rôle de facilitateur,  à différents niveaux. Depuis la réforme de 2015 sur leur nouvelle délimitation, les régions tendent tout particulièrement à s’imposer comme des partenaires incontournables.

« Ce fut une très bonne surprise de constater que les pouvoirs publics étaient à ce point
à l’écoute. Sans eux, l’opération ne se serait d’ailleurs peut être pas concrétisée »
, concède Frédéric Guiral de Haas. Avec deux associés, Hervé Accart et Xavier Paulin, cet entrepreneur a racheté début 2023 la manufacture dordognaise Sodopac et sa marque de chaussons Airplum. Opérant dans un secteur au sein duquel les parts de marché des acteurs français se sont réduites comme peau de chagrin au fil des années, mais in bonis, Sodopac avait été mise en vente par ses deux actionnaires d’alors, dont l’un, compte tenu de son âge, souhaitait transmettre. « En intervenant financièrement au travers de son fonds régional de co-investissement NACO, la Région Nouvelle-Aquitaine nous a permis d’attirer plusieurs investisseurs privés, facilitant ainsi la mise en place d’une reprise sous la forme d’un management buy-in », insiste, reconnaissant, Frédéric Guiral de Haas.

Des freins en matière environnementale

En matière d’implication des collectivités et des autorités publiques dans des transactions de M&A, l’exemple de Sodopac est loin de représenter un cas isolé… et ce parfois à la grande surprise des dirigeants d’entreprise ou investisseurs. « Il faut dire que beaucoup d’entre eux ont tendance à sous-estimer le rôle des pouvoirs publics dans ce domaine, fait remarquer Florent Berckmans, associé strategy & operations, chez Eight Advisory. Or ces derniers peuvent perturber, voire bloquer, le processus, mais aussi le faciliter ». Situations d’entreprises en grands difficultés mises à part – plusieurs acteurs publics sont très impliqués, comme les directions interministérielles, le Comité interministériel de restructuration industrielle, les préfets et les commissaires aux restructurations et prévention des difficultés des entreprises –, les potentiels points de friction portent, en règle générale, sur des problématiques de nature environnementale. « Lorsqu’un repreneur envisage de relancer ou de développer une activité industrielle, il peut, compte tenu des impacts de cette dernière en termes de pollution, être soumis 

à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), rappelle Sophie Barbé, associée chez EY Parthénon. Dans ce cadre, la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) en région, ou la Direction régionale et interdépartementale de l’environnement, de l’aménagement et des transports (DRIEAT) en Ile-de-France, peut contraindre à modifier le projet à la marge ou en profondeur ». Voire inciter le candidat à y renoncer.

Des coups de pouce

Sur un terrain moins administratif et plus politique, en revanche, l’intervention des décideurs locaux peut souvent se révéler bénéfique à divers titres. Comme a pu le vérifier Frédéric Guiral de Haas lors de l’acquisition de Sodopac, le Conseil régional peut déjà apporter une aide financière, susceptible de prendre différentes formes (aide, injection de fonds propres…). « C’est d’ailleurs la seule collectivité à pouvoir le faire au titre du droit européen », précise Florent Berckmans. Bien que variable selon les zones géographiques, le poids exercé par les régions dans ce domaine a eu tendance à s’affirmer depuis la réforme de 2015, qui a fait passer leur nombre de 21 à 12 en métropole et contribuer 

à placer des personnalités à leur tête. « Jouissant de la compétence économique et de celle du développement du territoire, les régions s’en prévalent largement », constate Sophie Barbé.

A une échelle plus locale, un candidat à une reprise a également tout intérêt à se rapprocher des élus ou des représentants de l’État sur le terrain. « Ils connaissent parfaitement le terrain, les entreprises du territoire et constituent la meilleure porte d’entrée pour mettre en relation avec les administrations compétentes », relève Frédéric Guiral de Haas. 

L’apport des communautés de communes peut également être précieux, en particulier sur un plan immobilier. « Elles peuvent par exemple participer à la viabilisation ou revitalisation de friches, ou racheter un terrain ou des bâtiments d’exploitation avant de les mettre à disposition dans le cadre d’une opération de crédit-bail », poursuit Sophie Barbé. Dans certains cas, la prise de contact avec les préfets et les députés de la circonscription peut aussi déboucher sur des avancées positives. « Je me souviens d’un équipementier ferroviaire qui venait d’être repris dans un contexte difficile. La porte de ses grands clients est restée fermée pour des renégociations, jusqu’au jour où le député a commencé à s’en émouvoir auprès d’eux », raconte Florent Berckmans.

Préparer l’avenir

Bien que le maire et son équipe exercent un rôle secondaire dans le rachat d’une entreprise située dans leur municipalité, il n’en reste pas moins utile, pour le futur repreneur, d’aller à leur rencontre pour leur exposer son projet. « Qu’il s’agisse de travaux d’aménagement de voirie ou de demande de permis de construire, un dirigeant aura affaire un jour au conseil municipal », prévient Sophie Barbé. À ce titre, rien de tel que de parler régulièrement à ces élus pour entretenir le capital confiance.

 

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