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Keep Cool 
se refait une santé

Reprise à la veille du Covid par son principal franchisé allié au family office d’un industriel, l’enseigne de salles de sports en difficulté a réussi sa restructuration et s’est hissée dans le top 3 des acteurs français en rachetant son concurrent parisien Neoness cet été.

Alors qu’elle a frôlé la faillite en 2019, l’enseigne Keep Cool affiche aujourd’hui une forme olympique dans un secteur du fitness encore en convalescence après la crise sanitaire. En reprenant cet été les 50 salles de l’enseigne parisienne Neoness totalisant 50 M€ de revenus, le groupe provençal prend la tête d’un réseau de 300 clubs de sport fédérant plus de 750 000 adhérents et 1 500 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 150 M€. Keep Cool se hisse ainsi dans le top 3 des acteurs du fitness français, derrière le rouleau compresseur hollandais Basic-Fit qui compte quelque 600 implantations dans l’hexagone, et au coude-à-coude avec Fitness Park (ex- groupe Moving) qui revendique 250 clubs et 250 M€ de chiffre d’affaires.

Franchiseur d’outre mer

Une résurrection flamboyante pour l’enseigne moribonde avant sa reprise en 2019 par son principal franchisé David Amiouni, 38 ans, financé par le family office de l’industriel Claude Marquet, président du groupe d’équipements industriels et tertiaires GMB Invest/ICM. Dans un secteur où la consolidation s’accélère, le groupe créé en 2006 à Aix-en Provence est donc passé du rôle de proie affaiblie à celui de prédateur conquérant. « Le marché du fitness a subi une profonde mutation que la crise sanitaire a accélérée. Seuls les acteurs aux reins solides et qui auront su s’adapter aux besoins des clients pourront survivre », pronostique David Amiouni, p-dg de Keep Cool. Contrairement au fondateur de l’enseigne, Guy Deville, qui vient du milieu de matériel de sport, David Amiouni est un pur produit des cabinets de conseil en transformation doublé d’une fibre entrepreneuriale qui l’a fait créer son propre cabinet, Verso Consulting, à La Réunion où le jeune parisien décide de s’installer dans les années 2010. C’est d’ailleurs dans les outre-mer que débute son aventure de franchisé de l’enseigne de sport provençale. « Un ami responsable du développement de Keep Cool me présente le concept et m’incite à ouvrir une salle à La Réunion », raconte David Amiouni, qui se lance à l’époque âgé d’à peine 26 ans. « Le fitness était un marché de primo-accédants, le premier qui prenait la place avait gagné », retrace l’entrepreneur, qui renouvellera l’expérience à quatre reprises et, manquant de surface financière, s’associera à l’entrepreneur Claude Marquet pour dupliquer le modèle dans l’ouest de la France et en Belgique et devenir, moins de dix ans plus tard, le plus grand franchisé de l’enseigne avec une quinzaine de salles. Le jeune trentenaire n’avait à l’époque que des ambitions d’expansion régionale, mais quand il se voit refuser un prêt bancaire pour l’ouverture d’une salle au Mans à cause des difficultés financières de la maison-mère, il décide de se pencher sur le dossier avec son allié aux poches profondes. « Les difficultés de Keep Cool étaient liées à une opération de croissance externe réalisée par Guy Deville sur l’enseigne Feel Sport rachetée trop cher au groupe Eren et avec un fort taux d’endettement. Mais la greffe n’a pas pris et le groupe n’arrivait plus à rembourser sa dette dans un environnement concurrentiel devenu beaucoup plus tendu avec l’arrivée de mastodontes du fitness low cost comme Basic-Fit », explique David Amiouni. N’arrivant pas à faire face à l’effet de ciseau provoqué par l’augmentation de sa dette et la fonte de son Ebitda, Guy Deville se place sous procédure de mandat ad hoc, qui aboutira à son éviction du capital en 2019.

Closing deux jours avant le confinement

David Amiouni et Claude Marquet prennent ainsi le contrôle du capital avec 51 % des parts et entament une restructuration en profondeur. « Nous nous sommes posé la question de la pertinence de cette reprise, et nous l’avons fait car nous avions une véritable vision pour le développement de Keep Cool, en utilisant le sport comme une porte d’entrée pour une offre de bien-être plus globale autour de l’hygiène de vie et de la diététique qui retiendra les adhérents, devenus de plus en plus volatiles », retrace le dirigeant trentenaire qui s’attaque à l’allégement de la structure de la dette, en négociant un write-off avec les banquiers, et à l’assainissement du réseau en fermant la dizaine de salles les moins rentables. « Nous avons signé le closing de l’opération le 14 mars 2020, deux jours avant le confinement », sourit David Amiouni. « Après deux mois de sidération où nous avons suspendu les prélèvements, je me suis vite rendu compte que cette crise pouvait devenir une opportunité car elle remettait tout le monde sur la même ligne de départ », retrace avec philosophie le dirigeant de Keep Cool, qui retrousse ses manches et repart à la conquête des clients démotivés par les confinements successifs et la peur du virus.

La stratégie de refonte de l’image de la marque autour du bien-être aurait ainsi permis à Keep Cool de retrouver le même niveau d’adhérents qu’avant la pandémie alors que ses principaux concurrents plafonneraient aux alentours de 60 %. « La chance que l’on a eue finalement est que nous avions déjà restructuré le groupe et que nous repartions sur des bases plus saines. Nous avions une structure de dette maîtrisée, ce qui nous a permis d’attendre avant de demander un PGE et de sortir du Covid avec une trésorerie correcte, contrairement à la plupart de nos concurrents qui ont été terrassés par les fermetures de la crise sanitaire ». Et justement, l’enseigne parisienne Neoness a été plus affectée par la pandémie, malgré des fondamentaux solides, ce qui offre une opportunité de rapprochement inespérée pour le groupe d’origine aixoise. « J’ai toujours su que ces deux marques étaient faites pour s’unir tant les complémentarités sont évidentes entre le réseau parisien de Neoness et le maillage provincial de Keep Cool, qui partagent en outre le même ADN culturel autour de l’envie de démocratiser le sport », s’enthousiasme David Amiouni qui conclut le rachat au pas de charge, sans due-diligence, toujours adossé à l’industriel Claude Marquet qui finance la reprise à une valorisation confidentielle, mais que l’on devine intéressante compte tenu du contexte. « La constitution d’un réseau équivalent à celui de Neoness en région parisienne aurait nécessité un investissement de 250 M€ si on avait dû le faire ex-nihilo », estime le dirigeant de Keep Cool.

Une salle à moins de 15 minutes de chez soi

Désormais doté d’un maillage territorial assez touffu pour permettre à chaque client d’avoir « une salle à moins de 15 minutes de chez lui », le groupe compte convaincre les Français de retourner à la salle de sport après des mois de fréquentation sporadique. Selon la dernière édition de l’étude Deloitte Sports Retail publiée au printemps dernier, la proportion de personnes qui pratiquent un sport sur la base de l’adhésion, par exemple dans un club ou un gymnase, a diminué de sept points par rapport à l’enquête de 2020 et s’élève désormais à 46 %. Plus spécifiquement, le taux de pénétration des clubs de fitness en France est estimé à 10 % alors qu’il tourne autour de 15 % chez nos voisins européens. Autant dire que Keep Cool compte le booster, notamment grâce à ses formules Freemium permettant un accès gratuit une fois par mois à des clients n’ayant pas les moyens de s’abonner. Revendiquant un modèle abordable mais différenciant par rapport à ses concurrents low cost en misant sur la formation et la fidélisation de ses coachs sportifs recrutés en CDI et pas sous le statut auto-entrepreneur, Keep Cool mise également sur un accompagnement digital gratuit. Reste à trouver le moyen pour que l’énergie des calories brulées fasse baisser les factures de chauffage des salles cet hiver…

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