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Dunlopillo sort de sa léthargie

Reprise à la barre du tribunal il y a quatre ans en plein confinement, la célèbre marque de matelas a rebondi au sein du groupe de literie aveyronnais Finadorm qui l’a repositionnée sur un segment plus haut de gamme et a investi dans l’outil de production et le marketing.

« Voulez-vous coucher avec moi ce soir ? », c’est avec ce message que Dunlopillo a lancé une campagne d’affichage audacieuse dans les couloirs du métro parisien fin 2023. « Au fil des années, ce qui a créé cette relation si spéciale avec nos clients, c’est l’esprit de la marque. Dunlopillo a rapidement adopté un ton décalé qui a séduit les Français ! C’est cet esprit que nous avons souhaité réaffirmer, ainsi que tous les fondamentaux de la marque. Tout ce qui a fait son succès et ce pourquoi elle s’est toujours distinguée : une identité forte, des produits de qualité fabriqués en France, un univers rétro, et un esprit coquin. C’est la seule marque qui peut se permettre d’interpeller le consommateur ainsi ! », assume Jean-Rémy Bergounhe, président-fondateur de Finadorm, artisan du redressement de Dunlopillo depuis sa reprise il y a quatre ans. En renouant avec le ton impertinent et le style osé du publicitaire Jacques Seguela, la marque de matelas veut aussi tourner la page de ses années d’insomnie et le cauchemar de sa liquidation judiciaire en 2019. Reprise en mars 2020, en plein confinement, par l’ETI aveyronnaise Finadorm, Dunlopillo a renoué avec une croissance de 5 à 10 % par an, même si ses revenus de 11 M€ cette année ont été quasiment divisés par dix en quinze ans. 

L’échec de la relance au sein d’Adova

Installé dans les Yvelines depuis 1951, le fabricant de matelas avait été ballotté dans le giron de plusieurs groupes, qui l’ont enfoncé dans les difficultés en cumulant les erreurs de gestion dans un contexte de déclin général du marché de la literie. Son dernier propriétaire, le groupe Cauval, détenteur des marques Simmons et Treca, avait lui-même été repris par le fonds de retournement Perceva fin 2016, qui l’a rebaptisé Adova. Déjà en grande difficulté lors de la reprise, Dunlopillo n’a pas réussi sa relance dans un contexte chahuté. Sur un marché de l’ameublement en recul de 2,7 % en 2018, le fabricant de matelas a subi les conséquences de la crise chez ses principaux distributeurs, But et Conforama, et n’a pas su faire face à la percée de nouveaux acteurs sur le matelas, les sites Internet, qui ont rapidement pris quelque 15 % de part de marché du secteur. Incapable de redresser la barre pour la marque dont le chiffre d’affaires s’est effondré à 22 M€ en 2019 alors qu’il tutoyait la centaine de millions douze ans plus tôt, Adova a jeté l’éponge pour se recentrer sur ses deux autres marques Simmons et Treca plus haut de gamme. En décembre 2019, l’entreprise avait été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Versailles. Elle comptait alors 180 salariés répartis sur les sites de Mantes-la-Jolie et de Limay (Yvelines). Trois repreneurs sont sur les rangs dont le site allemand Emma, la société Jacquart et le groupe aveyronnais Finadorm qui a été choisi par le tribunal de commerce pour reprendre l’entreprise. C’est à l’unanimité que les salariés de Dunlopillo se sont ainsi prononcés en faveur de l’offre de Finadorm, dont le projet est de loin le mieux-disant socialement. Il conserve en effet 90 emplois, soit la moitié de l’effectif. Reste une cinquantaine de licenciements secs. Mais une vingtaine de départs en retraite sont programmés, et les syndicats ont obtenu qu’aucun licenciement ne concerne des salariés âgés de 49 à 56 ans (la moyenne d’âge à Dunlopillo est de 49 ans). Enfin, Finaform, fondé par un patron autodidacte, Jean-Rémy Berghoune, qui a fait de sa PME « une véritable success story », prévoit bien le rachat du bâtiment de Limay. L’acquéreur a proposé un prix de cession de 2,35 M€ (hors stocks) et reçoit également le soutien du président du département. Le conseil départemental des Yvelines avait investi plusieurs millions d’euros pour aider l’entreprise, tant l’enjeu territorial est d’importance pour le Mantois qui a perdu au fil des années des milliers d’emplois industriels, notamment dans l’automobile.

Un repreneur bien ancré

En reprenant une marque à la notoriété installée dans le paysage, Finadorm veut développer son pôle literie et se renforcer dans de grandes enseignes de mobilier. Implantée à Rodez, l’entreprise a fait ses premiers pas dans les domaines de la literie mais aussi de la construction en bois par exemple des mobil-homes, des chalets et du mobilier pour les crèches. Fondé en 1984 par Jean-Rémy Bergounhe alors menuisier et fabricant de sommiers à lattes, le groupe commence dès 1993 à confectionner des matelas, première activité du groupe Finadorm qui, grâce à de la croissance externe, rassemble aujourd’hui une dizaine d’entreprises et affiche un chiffre d’affaires de 250 M€ et 1  200 salariés. Sur un marché de la literie qui s’est stabilisé après un fort rebond en 2021, Finadorm revendique la place de deuxième acteur du retail spécialisé après le groupe « La Maison de la literie » de Pierre Elmalek (170 M€ de chiffre d’affaires et 350 magasins), et le troisième fabricant après le groupe Cofel (marques Bultex, Epeda et Merinos) et Adova (marque Treca et Simmons) détenu par Perceva. L’ETI aveyronnaise s’est progressivement diversifiée sur cinq pôles d’activité : le pôle de distribution de literie via les deux réseaux nationaux sous enseigne « France Literie » et « La Compagnie du Lit »,  le pôle de production literie (« Dunlopillo », dans les Yvelines, « Biotex » à Toulouse et « Technilat » en Aveyron),  le pôle petite enfance (meubles « Mathou » en Aveyron et « Loxos » en Normandie), le pôle habitats de loisirs (Mobil-homes « Louisiane » en Bretagne et en Aveyron, « Chalets Fabre » en Aveyron, « Lodges CIAT » en Ariège) et le pôle construction bois (« Sicob » en Aveyron).

Les ressorts du rebond

Finadorm est donc déjà propriétaire de la marque de literie Technilat, et de Biotex, une entreprise toulousaine spécialisée dans la confection d’oreillers moulés, ce qui en fait un acteur crédible pour le redressement de Dunlopillo. Des synergies parfaites sur le papier à l’exception du timing de reprise en pleine épidémie de Covid qui a, certes, rendu les Français bien plus sensibles au moelleux de leurs matelas, mais suspendu la production avec des salariés au chômage technique. Malgré ce contexte peu favorable, les choix de Jean-Rémy Bergounhe ont pour l’instant porté leurs fruits. Le nouveau patron a rapidement décidé de regrouper toute la production sur le site de Limay, d’investir dans de nouvelles machines et de renforcer la qualité des matelas de la marque. « Dès la reprise de Dunlopillo nous avons tout de suite entamé une série d’investissements pour moderniser notre outil de production à Limay. Nous y avons également ouvert un showroom de 400 m2 pour présenter nos nouveaux produits et l’univers de la marque », indique le président de Finadorm, qui a promu au poste de directeur général Romuald Lambert, nommé directeur de site de Dunlopillo en 2019 par Adova. Dunlopillo a ainsi quitté la grande distribution, notamment But ou Conforama, pour se recentrer sur les petites enseignes spécialisées. Une remontée en gamme fidèle à l’ADN de la marque, peu à peu abandonné. « Forts de ces nouvelles bases saines, nous avons connu une croissance régulière de 5 à 10 % depuis 2020 et avons pour objectif de maintenir ce rythme pour les prochaines saisons », déclare le DG de Dunlopillo Romuald Lambert. Car une fois la production rapatriée à Limay et le site de production modernisé, Finadorm s’est attelée à redonner des couleurs à la marque, en s’inspirant de son apogée dans les années 1970 et 1980 et à créer un univers néo-rétro avec une collection autour de produits déco, un peu vintage mais en phase avec l’idée de marque. « La collection 2024 s’est largement étoffée avec, entre autres, des ensembles plus déco déclinés dans 103 textiles et coloris différents ce qui permet plus d’1 million de combinaisons… 2024, signe même le retour du lit coffre », détaille le patron de la marque. Mais si toutefois le consommateur ne trouvait pas son bonheur, en 2024, Dunlopillo offre la possibilité de personnaliser sa literie : dimensions non standards ou tissu personnel, tout est possible pour séduire un consommateur qui passe de plus en plus de temps affalé dans son lit en compagnie de ses écrans !

 

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