En LBO avec HLD depuis trois ans, le spin-off de l’équipementier de stations-service Tokheim vient de dépasser le seuil symbolique du milliard d’euros de chiffre d’affaires grâce à une mutation de son cœur de métier vers la mobilité bas carbone, couplée à une politique d’acquisitions qui fait carburer sa croissance à plus de 35 % cette année.
TSG fait partie de ces discrètes ETI championnes de leur secteur de niche mais inconnues du grand public. Il faut dire que son activité BtoB historiquement liée au secteur peu glamour des énergies fossiles n’en fait pas forcément une coqueluche des médias. L’histoire récente de cette ex-division services de l’inventeur des pompes à essence Tokheim est pourtant un cas d’école d’un virage radical vers la transition énergétique impulsé par le volontarisme de ses dirigeants et accéléré par son actionnaire majoritaire HLD depuis son LBO de 2020. « Les activités liées aux carburants pèsent désormais moins de 40 % du chiffre d’affaires du groupe et représentent, pour la première fois, moins que celles dédiées aux énergies décarbonées et aux services pour les pôles de mobilité », se félicite Jean-Marc Bianchi, président-directeur général de TSG, arrivé aux manettes de l’entreprise en 2019, quand les énergies fossiles pesaient encore les trois-quarts des revenus du groupe.
De l’émancipation au LBO
Pour mesurer le chemin parcouru, il faut remonter à 2016, quand l’entreprise faisait encore office de division services de Tokheim, ex-participation de Motion Equity Partners. Elle s’en était émancipée lorsque le fabricant de pompes à carburant passait lui-même dans les mains de l’américain Dover Corporation. L’occasion pour le management de cette filiale services de prendre les rênes de son destin sous la houlette de Baudouin de la Tour, son CEO de 2016 à 2020, pour un périmètre de 550 M€ de chiffre d’affaires à l’époque. La volonté de faire pivoter le métier de ce spin-off rebaptisé TSG Group vers la mobilité et les énergies renouvelables s’est concrétisée en 2019 avec le recrutement de Jean-Marc Bianchi, ex-dirigeant du fabricant de ciment alumineux Kerneos, dont il a mené la transformation d’une division de Lafarge, cédée dans le périmètre de Materis lors d’un premier LBO avec Wendel en 2008, puis émancipé lors d’un second carve-out couplé à un LBObis avec Astorg en 2014, jusqu’à sa revente réussie à Imerys en 2016. Vraisemblablement plus à l’aise dans les environnements en forte mutation et la gouvernance du private equity, Jean-Marc Bianchi quittera le groupe coté en 2019 pour relever le défi de la transformation de TSG. Ne reste plus qu’à trouver le partenaire financier aux reins solides, poches profondes et vision industrielle compatibles avec ce nouveau cap stratégique. Le process lancé en 2019 connaîtra son dénouement en plein Covid en juin 2020, remporté par la société d’investissement evergreen HLD, cofondée par l’ancien dirigeant de Wendel Jean-Bernard Lafonta, qui prend la majorité du capital, valorisant TSG quelque 500 M€, soit près de 9 fois son Ebitda. « L’ADN entrepreneurial et agile d’HLD a été déterminant dans notre choix ainsi que l’horizon de temps non borné par la durée limitée des véhicules d’investissement des acteurs habituels du LBO », confie Jean-Marc Bianchi, qui avait déjà côtoyé son nouvel actionnaire lors de l’ère Wendel/Materis. Le LBO financé par une dette unitranche de 280 M€ apportée par ICG offre ainsi les coudées franches à TSG dans l’accélération de sa course à la diversification à coups de rachats et de recrutements en interne.
Viser l’avenir sans délaisser le passé
Avec 650 M€ de chiffre d’affaires en 2020, l’ETI revendique le statut de leader continental de son marché et une présence directe dans une dizaine de pays européens (Royaume-Uni, Espagne, Europe centrale…) où elle fournit, installe et assure la maintenance de tous les équipements nécessaires au fonctionnement d’une station-service – de la pompe à essence aux terminaux de paiement, en passant par du matériel de nettoyage auto. Sa clientèle est composée d’opérateurs de stations essence et d’enseignes de grande distribution, mais aussi de transporteurs et d’acteurs du commerce en ligne disposant de leur flotte de livraison. L’enjeu est donc de conquérir le marché des nouvelles énergies, le gaz, l’hydrogène et surtout l’électrique, promis à une croissance exponentielle, sans brider la croissance endogène du marché historique des énergies fossiles, qui ne disparaîtra pas non plus du jour au lendemain. Tout en se positionnant de plus en plus sur les services pour devenir le seul interlocuteur « one-stop-shop » des solutions techniques pour ses clients. Un vaste programme que TSG a mené tambour battant en actionnant plusieurs leviers : « On est passés de 3 % du chiffre d’affaires dans les nouvelles énergies en 2019 à 30 % aujourd’hui, de 3 500 collaborateurs à 6 000 et nous venons de signer notre vingtième acquisition en deux ans et demi », résume Jean-Marc Bianchi. « Le défi est de faire adhérer l’ensemble des collaborateurs du groupe à cette transition sans que les techniciens historiques ne se sentent relégués à un métier du passé », poursuit le p-dg de TSG, qui veille à rassurer ses troupes sur le devenir de leur métier tout en les embarquant dans une évolution inéluctable vers des énergies plus propres, à coups de formations et de recrutement de sang neuf dans les nouvelles activités du groupe. « En 2040, 60 % des véhicules continueront à être thermiques », rappelle le dirigeant de TSG, qui projette une baisse en relatif de l’activité liée aux énergies fossiles à 30 % de l’ensemble du chiffre d’affaires du groupe, mais une augmentation en valeur absolue.
Une croissance qui carbure à 35 %
Les acquisitions sont également préparées avec soin pour que la greffe prenne entre deux cultures historiquement antinomiques. « Nous avons passé au crible plus de 350 dossiers de cibles pour une vingtaine d’acquisitions, précise Jean-Marc Bianchi. Nous sommes particulièrement attentifs à ce que les dirigeants des entreprises intégrées adhèrent au projet entrepreneurial du groupe ». D’ailleurs, 19 dirigeants sur 20 ont rejoint les équipes de TSG. Dernière acquisition en date cet été, JCM Solar, une société basée près d’Angers et spécialisée dans la conception, l’installation et la maintenance de projets de centrales photovoltaïques pour les professionnels, annoncée en même temps que celle de EEG, basée à Johannesburg, en Afrique du Sud, et spécialisée également dans l’énergie solaire. Les 18 opérations qui ont précédé, dont 8 acquisitions pour l’année 2023 (Werner Stuhr, Nordic Gas, RBC Lambert, Vebe, Hemag, UCP Choix, GTC Technics, Ranzato Impiati) ont également permis de renforcer l’implantation du groupe dans des pays stratégiques comme l’Allemagne, la Belgique, l’Espagne, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l’Italie et la Suède. Le dirigeant, déjà rodé aux opérations de croissance externe lors de son expérience chez Kerneos, a renforcé son département M&A avec le recrutement de deux spécialistes et se fait épauler par la banque d’affaires Financière de Courcelles dans le cadre de son offre multi buy-side permettant l’identification en amont de cibles européennes.
Au cours de l’année écoulée, le groupe TSG a concomitamment poursuivi le développement de ses segments gaz naturel et hydrogène, pour lesquels il a enregistré un taux de croissance de 46 %, dont près de 27 % de croissance organique, pour accompagner ses clients dans leur transition vers l’ensemble du spectre disponible des énergies pour la mobilité. Enfin, l’ETI a annoncé en juillet avoir dépassé le seuil symbolique du milliard d’euros de chiffre d’affaires, soit une croissance de plus de 35 % par rapport aux 730 M€ affichés en 2022 et de plus de 50 % depuis son LBO de 2020. En avance sur sa feuille de route établie avec HLD, TSG ne compte pas ralentir pour autant. « Notre objectif est de dépasser 1,5 md€ de chiffre d’affaires dans 5 ans en continuant à générer une croissance organique de plus de 10 % et en maintenant notre rythme d’acquisitions entre 5 et 8 cibles annuelles », conclut Jean-Marc Bianchi.