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Sogelink bétonne sa croissance

L’éditeur lyonnais de logiciels pour le BTP a été valorisé plus d’un milliard d’euros par CVC et Keensight pour son cinquième LBO fin 2023, actant le changement de dimension de l’entreprise, qui a décuplé son chiffre d’affaires en dix ans et affiche des ambitions de leadership européen et de conquête mondiale.

Dans le calme plat qui a pétrifié l’univers transactionnel du large cap ces derniers mois, le LBO de Sogelink n’est pas passé inaperçu. L’éditeur lyonnais de solutions logicielles pour les professionnels du BTP aux 120 M€ de chiffre d’affaires a été valorisé début décembre près d’1,1 Md€, soit plus de 20 fois son Ebitda, offrant à son précédent sponsor Keensight une belle sortie et une place de minoritaire significatif au nouveau tour de table aux côtés du géant mondial du private equity CVC. Cette transaction hors norme, financée par une dette unitranche d’environ 375 M€ fournie par Blackstone et Goldman Sachs, a ainsi incarné l’exception qui confirme la règle d’une année anémique pour les opérations supérieures à 500 M€ de valorisation.

Réservoir de croissance

Comment expliquer l’attractivité de cette pépite lyonnaise inconnue du grand public, positionnée sur la digitalisation des professionnels du BTP, qui n'est pas le secteur le plus glamour surtout dans le contexte actuel de retournement du marché de la construction ? « Le réservoir de croissance est considérable, souligne Jean-Michel Beghin, managing partner de Keensight Capital. Sogelink  a réussi à imposer sa position de leader incontesté sur le secteur de la construction et infratech, le sous-jacent étant vastement sous-digitalisé en Europe. » L’investisseur sait de quoi il parle puisqu’il a été un des premiers actionnaires de l’éditeur lyonnais il y a dix ans alors que la PME faisait à peine 17 M€ de chiffre d’affaires, avant de passer le relais à Naxicap trois ans plus tard, puis de renouer avec sa participation en 2019 et impulser un véritable changement d’échelle et l’internationalisation du groupe. « Sogelink a franchi ces derniers mois des étapes inédites dans son histoire. En plus de maintenir une croissance soutenue, le groupe a maintenant un positionnement unique sur la chaîne de valeur de la construction grâce à la fusion avec Geodesial Group et une présence internationale, avec l’acquisition de nos homologues hollandais Locatiqs et norvégien Focus Software », détaille Fatima Berral, promue CEO de l’éditeur lyonnais en 2019, six ans après l’avoir intégré en tant que directrice des ventes. L’ingénieure en génie énergétique avait été recrutée justement à la première ère d’actionnariat de Keensight en renfort des deux dirigeants-fondateurs de l’entreprise en 2000, Ignace Vantorre et Matthieu Ponson, progressivement retirés de l’opérationnel pour se consacrer à leurs passions, l’un pour l’immobilier d’exception, l’autre pour la vigne. Pour leur première opération d’OBO, le binôme entrepreneurial avait accueilli le fonds small cap Initiative & Finance, qui avait accompagné le premier vrai palier de croissance de la PME, passée de 6 M€ de chiffre d’affaires en 2009 à 17 M€ quatre ans plus tard. Approchés par des industriels, ils ont préféré préserver l’indépendance de Sogelink en accueillant en 2013 un fonds spécialisé dans les entreprises technologiques, R Capital Management, qui n’est autre que l’actuel Keensight, rebaptisé lors de son émancipation de la galaxie Rothschild la même année…

Une fusion échafaudée par l’investisseur

La preuve que le couple entreprise/fonds est appelé parfois à connaître plusieurs épisodes de vie commune, et à se quitter pour mieux se retrouver quelques années plus tard. Après une parenthèse de LBO tertiaire vécue avec Naxicap de 2016 à 2019, Sogelink renoue donc avec Keensight et acte le retrait du fondateur Ignace Vantorre qui passe les manettes opérationnelles à sa méritante DG. « Fatima Berral a su se révéler en dirigeante exceptionnelle et visionnaire », encense Jean-Michel Beghin, dans un duo bien rodé aux trajectoires de croissance parallèles. Car le spécialiste du « growth buyout » a également crevé le plafond en levant 2,8 Mds€ en septembre dernier, triplant la taille de son véhicule précédent, pour faire de Keensight une des success stories les plus éclatantes du private equity français. Quintessence de son savoir-faire dans l’accélération de la croissance des entreprises de son portefeuille, l’investisseur aura été à la manœuvre de la fusion en 2021 de Sogelink avec une autre de ses participations, Geodesial, pour former le numéro un français des logiciels destinés à l’écosystème du BTP. « Quand nous avons acheté Geodesial en 2019, notre vision était de reprendre le contrôle de Sogelink ensuite, et puis d’essayer de les unir, mais nous n’étions pas sûrs de pouvoir le faire, retrace le managing partner de Keensight Capital. Geodesial, qui devait être un bon investissement en stand-alone, a connu une très belle croissance. Puis, dès que nous avons finalisé le rachat de Sogelink, nous avons commencé à travailler avec les managers sur l’intérêt de fusionner les deux groupes, avec l’objectif de créer un acteur incontournable du secteur. » La complémentarité des deux éditeurs, qui se connaissaient, a donc convaincu les dirigeants de faire cause commune pour créer un one-stop-shop pour leurs clients. « Cette fusion a apporté une offre complète sur toute la chaîne de valeurs, de la conception d’un projet, jusqu’à son exploitation », confirme Fatima Berral.  Les deux groupes partageaient en effet jusqu’ici les mêmes types de clients tels que les collectivités, les entreprises BTP, les bureaux d’études, les géomètres, les architectes ou encore les opérateurs de réseaux. Connu pour sa solution historique DICT.fr, du nom de la Déclaration d’intention de commencement de travaux, devenue la référence pour les acteurs concernés par les travaux à proximité des réseaux, Sogelink fournit notamment des solutions logicielles de gestion 2D/3D/4D des données. Geodesial, pour sa part, intervient en amont, pour l’aménagement du territoire, et répond, entre autres, aux besoins de conception, de modélisation de terrains et d’infrastructures. Il affichait en 2020 quelque 25 M€ de revenus, qui se sont additionnés aux 43 M€ de chiffre d’affaires de Sogelink sur la même période, pour que l’ensemble affiche près de 80 M€ en 2021.

Internationalisation

Le concurrent nantais, plus petit en taille mais au rayonnement international plus important, a permis également à Sogelink de faire ses premiers pas à l’étranger avec les trois filiales historiques de Geodisial au Canada, en Suisse et en Hongrie. Un an plus tard, le lyonnais passe la vitesse supérieure en mettant la main sur l’entreprise néerlandaise Locatiqs, éditeur de systèmes d’information géographiques générant 35 M€ de chiffre d’affaires, et le norvégien Focus Software, éditeur de logiciels BIM (Building Information Model) de 12 M€ de revenus. Ce faisant, le groupe employant plus de 600 salariés et revendiquant 18 000 clients, a considérablement élargi sa palette et son rayonnement géographique pour proposer des solutions sur l’ensemble de la chaîne de valeur du processus de construction : conception de l’infrastructure, contrôles en amont du projet, gestion des chantiers et risques post-construction. Occupant désormais la 25e place du Top 250 dans le classement des éditeurs de logiciels français réalisé par EY et numeum, Sogelink a triplé ses revenus en quatre ans pour atteindre un chiffre d’affaires de 120 M€ en 2023 pour un Ebitda de 50 M€. Aujourd’hui, son ambitieuse dirigeante lorgne vers les Etats-Unis pour changer à nouveau de dimension. Accompagné de deux « machines de guerre » de la croissance, son actionnaire historique Keensight et le britannique CVC, qui a battu le record du fonds LBO jamais levé  en collectant 26 Mds€ pour son neuvième flagship cet été, le frenchie Sogelink peut légitimement se rêver un destin mondial. 

 

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