C’est le 21 juin que Capza a bouclé sa sortie du capital de Coutot-Roehrig, l’entreprise familiale dédiée à la recherche d’héritiers et la vérification de dévolutions successorales qu’il accompagnait depuis octobre 2019. L’occasion de revenir sur une période suivie pas à pas par son conseil juridique.
Investir en minoritaire dans une entreprise familiale constitue généralement le schéma le plus à même de compliquer la tâche d’un fonds, depuis les négociations initiales jusqu’à son retrait final du capital. Comment composez-vous avec ces contraintes ?
Benoît Choppin : Il est vrai que cette configuration impose de surmonter plusieurs obstacles, mais l’accompagnement de PME et ETI familiales nécessite souvent de procéder de même. Au moment des discussions initiales, en tant que fonds désireux de prendre une position minoritaire au capital, nous établissons le dialogue avec des dirigeants généralement peu coutumiers des techniques juridiques et financières utilisées dans un tel cadre, mais il nous faut aussi prendre en compte leurs contraintes patrimoniales et fiscales et leur proposer une gouvernance d’entreprise acceptable à leurs yeux. Pour réussir cette étape, nous cherchons à témoigner notre engagement et notre conviction au moment de présenter la thèse d’investissement, tout en étant en cohérence avec le cadre juridique que notre conseil proposera aux actionnaires historiques. Étant donné que cette documentation est conçue pour prévoir les cas de figure négatifs susceptibles d’intervenir – désaccords stratégiques, désalignements d’intérêts entre actionnaires, disparition du dirigeant, etc. –, il faut qu’elle traduise parfaitement notre approche et nos intentions en tant qu’investisseur, sans pour autant affecter la relation commerciale établie avec nos interlocuteurs. Toute incohérence est susceptible d’entraîner un problème dans la qualité d’exécution, à l’avenir. C’est pourquoi nous attendons de nos conseils qu’ils présentent le reflet exact de ce que propose Capza, via une documentation juridique équilibrée permettant de faire face – le cas échéant – aux difficultés qui nous amèneront à nous asseoir autour de la table avec l’équipe dirigeante afin de mettre en oeuvre des solutions dans un cadre juridique donné.
Y a-t-il eu une difficulté particulière au moment d’investir dans Coutot-Roehrig ?
Benoît Choppin : La période de six semaines entre l’accord initial d’investissement et sa concrétisation s’est avérée délicate. En règle générale, ce laps de temps inconfortable n’est pas anticipé par les dirigeants. Mais la documentation présentée au closing, ayant été enrichie en comparaison avec celle validée au signing, ne doit générer aucune frustration ou tension additionnelle car cela pourrait déstabiliser le socle de la relation à venir. C’est notamment pourquoi, dès cet instant-là, j’apprécie de travailler avec Grine Lahreche et son équipe : il connaît par coeur nos contraintes internes et il s’avère capable de les aligner avec les problématiques des dirigeants, en proposant des solutions et un cadre juridique adéquat. C’est exactement ce que je recherche dans la relation que je noue avec mes conseils.
Grine Lahreche : Dans un dossier comme celui-là, Capza a démontré sa capacité à concilier son analyse économique du marché dans lequel la société évolue, tout en initiant des discussions de qualité avec les équipes dirigeantes. En tant que conseil juridique, nous devons traduire tout cela sans faillir, ce qui se trouve facilité par la récurrence des opérations sur lesquelles nous travaillons ensemble depuis un certain nombre d’années. À titre illustratif, comme Capza entend se positionner comme un partenaire actif tout en laissant volontairement et en accord avec les dirigeants une certaine marge d’autonomie opérationnelle, nous passons en revue l’ensemble des droits de véto dont Capza peut bénéficier pour ne retenir que ceux strictement essentiels. Il doit en être ainsi de tous les points potentiellement « sensibles ». L’alignement de vues entre le fonds d’investissement et son conseil juridique tombe sous le sens…
Benoît Choppin : Bien entendu, mais cela n’a rien d’aussi simple dans les faits. Ainsi, je trouve particulièrement intéressant de connaître la vision de marché de Grine, car nos horizons de temps diffèrent dans nos analyses. Obtenir un feedback de mon avocat constitue un élément très important pour éprouver la robustesse d’un processus décisionnel d’investissement. C’est d’ailleurs souvent à cela que l’on distingue un conseil juridique moyen d’un bon conseil : le meilleur des deux saura, sur la base de son analyse économique, trancher entre deux options et formuler une recommandation que l’on décidera de suivre…
Grine Lahreche : C’est d’autant plus essentiel dans un dossier dit « primaire ». Outre une bonne compréhension de la dimension économique du projet, il faut analyser correctement les attentes des dirigeants. À défaut, appliquer des règles de droit en faisant fi de ce partenariat à construire entre une équipe dirigeante et un investisseur financier s’avérerait totalement inutile, d’autant que les fonds français ont pris l’habitude de proposer aux équipes dirigeantes de co-investir en structurant des mécanismes attractifs de co-investissement.
Benoît Choppin : C’est là où l’équilibre doit prévaloir dans la documentation juridique, puisque nous devons répondre à leurs attentes… tout en étant protecteur de nos propres intérêts !
Une fois l’investissement concrétisé, quelles ont été les étapes suivantes ?
Grine Lahreche : Nous avons notamment accompagné Capza dans des problématiques de croissance externe de Coutot-Roehrig, qui en a conclu trois au cours de la période d’investissement – dont une à l’étranger –, parfois concomitamment à l’entrée de nouveaux investisseurs individuels. Pour ces projets de développement opérationnel, il s’agissait d’intégrer dans nos conseils un prisme davantage orienté M&A, plutôt que LBO (tout en ayant en tête les spécificités juridiques et fiscales de la structure initiale). L’accompagnement demeure le même, mais le référentiel doit s’ajuster pour déterminer au plus près les attentes de l’équipe dirigeante dans le cadre du développement du groupe.
Benoît Choppin : À nos yeux, ces étapes nécessitent de faire appel au même conseil juridique qu’au moment de l’investissement initial pour plusieurs raisons. Non seulement parce qu’il s’agit d’une hypothèse déjà prévue ensemble, mais aussi parce que se posent systématiquement des questions clés qu’il faudra aborder de concert : élargit-on le nombre de managers actionnaires et comment ? Modifie-t-on l’horizon de notre sortie pour donner à cette participation de notre portefeuille la liquidité attendue in fine ? etc.
Grine Lahreche : Il s’agit en quelque sorte d’une « phase test », puisque ce que l’on a structuré juridiquement au moment de l’entrée du fonds doit être mis en place pendant la vie de l’investissement. Il convient d’être suffisamment imaginatif pour être en mesure de s’insérer dans la documentation initiale, que ce soit dans le cadre d’une croissance externe et/ou d’une entrée d’investisseurs individuels.
Quid de la phase de sortie ? Comment éviter que la recherche de la liquidité ne mette éventuellement le fonds en porte-à-faux avec l’équipe dirigeante ?
Benoît Choppin : Au moment du choix du nouveau partenaire financier de l’entreprise, ma préoccupation principale consiste à délivrer ce que l’on a mis en place au moment de notre entrée au capital, pour demeurer en totale cohérence avec ce que nous avons annoncé initialement. À cet égard, le choix du conseil juridique intervenant en amont du processus de vente, la qualité d’exécution de ses précédentes interventions aura permis de construire une relation de confiance avec l’équipe dirigeante, en jouant la carte du pragmatisme et du professionnalisme. Auquel cas les conditions seront réunies pour mener les étapes suivantes de façon fluide, dans un intérêt commun.
Grine Lahreche : Cela est d’autant plus essentiel qu’il faut être capable de réagir extrêmement rapidement lorsque parviennent les offres fermes de rachat. Dans un laps de temps nécessairement court, nous avons à coeur de répondre à la complexité transactionnelle de ce type de dossier en nous appuyant sur une équipe pluridisciplinaire (tax, financement, corporate) disposant de l’expérience nécessaire à cet effet. En outre, la clé du succès réside à mon sens dans la qualité des relations de longue date établies avec les différents conseils intervenant sur ce dossier, lorsque le temps d’une démarche collaborative en vue de la réalisation de la transaction succède à celui de la négociation (avant la remise de la lettre d’offre ferme).