En une décennie et trois LBO, le distributeur rhônalpin d’équipements de protection individuelle a su se hisser dans le top 3 des acteurs européens, passant de quelque 160 M€ de chiffre d’affaires à plus de 500 millions.
Chaussures de sécurité, casques ou gants de protection, lunettes et cagoules de soudure… le catalogue du groupe RG n’a rien d’affriolant. Mais si les équipements de protection individuelle, EPI pour les intimes, ne sont pas les produits les plus connus du grand public, leur utilité dans la prévention des accidents du travail et l’amélioration du bien-être des salariés est incontestable. Sur ce marché de niche évalué à quelques milliards d’euros en Europe, une ETI tricolore a réussi à se distinguer à coups d’acquisitions pour se hisser dans le top 3 du secteur. Déjà numéro un en France, le groupe RG a mis la main l’été dernier sur son concurrent belge Vandeputte, pesant la moitié de sa taille. « L’acquisition du groupe Vandeputte cristallise notre véritable changement de dimension », confie Pierre Manchini, PDG du groupe RG, pourtant biberonné à la croissance externe, inscrite dans l’ADN de l’ex-RG Safety, issu en 1987 du regroupement de plusieurs acteurs régionaux : Amiet, Fiprotec, Cévenole de Protection et Gérin. Depuis son premier LBO avec Abénex en 2013, le spécialiste lyonnais de la distribution d’EPI a plus que doublé de taille et signé plus d’une dizaine d’acquisitions. Si l’acquéreur est habitué aux petits build-up dont le plus important fut l’acquisition d’une société irlandaise de 20 M€ de revenus, cette opération structurante, qui lui adjoint un périmètre de 140 M€ de chiffre d’affaires, lui permet de dépasser le palier des 500 millions de revenus dont 60 % en France et 40 % à l’international. « Jusque-là, la taille de nos acquisitions ne nécessitait pas de stratégie d’intégration structurée. Nous conservions un centre de décision autonome et les synergies achats se faisaient au fil de l’eau, témoigne le dirigeant du groupe RG. Mais avec le groupe Vandeputte, nous avons constitué une équipe projet avec des binômes pour chaque pôle de métier afin de fluidifier l’intégration. »
« Game changer » en Europe
Ce faisant, l’ambition de consolidateur européen de Groupe RG affichée lors de son troisième LBO à l’automne 2021 avec Ardian Expansion et Latour Capital s’est amplement concrétisée. Approchée par des marques d’intérêt directes de l’ETI française pendant plusieurs mois, l’entreprise familiale belge dirigée par le descendant du fondateur éponyme, Dirk Vandeputte, a mandaté Rothschild pour formaliser un process qui aurait notamment fait jouer la concurrence avec les deux principaux groupes industriels du secteur, le britannique Bunzl et le fournituriste Lyreco. Mais c’est finalement le « pure-player » RG qui a remporté la mise pour une valorisation confidentielle, mais certainement pas au rabais au vu des synergies stratégiques que présente la cible pour son repreneur. « Au fil de nos échanges, Dirk et moi avons pu constater à quel point nos entreprises partageaient des histoires, des valeurs et des visions communes. Ce sont ces similitudes, additionnées à nos ambitions partagées qui nous ont convaincus de la pertinence de ce rapprochement et de notre capacité à réussir ensemble », s’enflamme Pierre Manchini, qui assume son caractère latin et son implication émotionnelle dans la gestion des affaires du groupe où il a fait ses premières armes il y a plus de trente ans avant d’en prendre la direction opérationnelle en 2015.
En plus de la proximité culturelle, c’est aussi le charme de l’actionnariat financier qui a attiré le groupe familial belge, lui permettant de réaliser du cash-out tout en devenant actionnaire minoritaire de la holding de tête de son acquéreur. « Nous avons longuement mûri notre réflexion quant à l’avenir du groupe familial, dans un environnement de marché où l’on observe une concentration accélérée des acteurs ces dernières années, a commenté Dirk Vandeputte, président du conseil d’administration et directeur général de Vandeputte Safety Experts, à l’occasion de cette opération. Nous avons conclu que le Groupe RG était le meilleur partenaire avec lequel nous associer, pour assurer la pérennité et le développement de notre entreprise, mais aussi pour en préserver l’identité et les valeurs, tout en l’inscrivant dans un projet plus large et ambitieux. Convaincu de la pertinence de cette opération, notre actionnariat familial et moi-même réinvestissons significativement au capital du groupe nouvellement formé. J’aurai plaisir à travailler aux côtés de Pierre pour réaliser la vision que nous avons partagée. Cette opération est évidemment importante pour nos entreprises, mais c’est aussi et au-delà un véritable "game changer" pour le marché des EPI en Europe. » La transaction a été financée pour un tiers par les actionnaires financiers qui ont remis de l’equity, pour un deuxième tiers par la dette, et pour le dernier tiers par le pool de managers mené par Pierre Manchini, qui se targue d’avoir embarqué ses collaborateurs pour détenir 25 % du capital du groupe au fil des trois LBO successifs.
La transformation impulsée par les LBO
Le dirigeant est d’ailleurs un fervent défenseur du modèle d’actionnariat financier qui lui a permis de doper la croissance de l’ETI lyonnaise et de galvaniser la motivation de ses troupes. « Le LBO nous a permis de maintenir un rythme soutenu et d’attaquer de front une multitude de sujets tout en gagnant en maturité, en adaptabilité et en réactivité », encense Pierre Manchini. Il faut dire que le modèle de distribution BtoB sur un secteur encore atomisé coche toutes les cases pour les fonds qui se sont âprement disputé les enchères autour de RG Safety lors de son deuxième process en 2017, remporté par LBO France dans le cadre d’une transaction le valorisant quelque 150 M€, à la barbe d’autres usual suspects du midmarket parisien dont le prestigieux Ardian. « LBO France nous a propulsés dans la cour des grands, avec des projets de transformation portant sur la digitalisation des process, la mesure des performances, la dynamisation de notre politique commerciale en direction des grands comptes et l’internationalisation de notre activité avec des croissances externes sur le marché européen », énumère Pierre Manchini, qui a tout de même gardé contact avec Arnaud Dufer, associé d’Ardian Expansion, pour préparer le cycle d’après. Et la deuxième fois fut la bonne pour l’investisseur de la place Vendôme,
qui a devancé en 2021 le lancement d’un process concurrentiel en offrant une belle sortie à LBO France avec une valorisation supérieure à 10 fois l’Ebitda. Le numéro un français du private equity signait là le 9e investissement de son véhicule Ardian Expansion V qui a récolté 2 Mds€ en 2020
en prenant la majorité du capital du groupe RG, invitant Latour Capital en minoritaire.
La dette senior apportée par le pool bancaire du LBO bis est renouvelée, dopée par une PIK fournie par CIC Private Debt.
Un boulevard pour devenir consolidateur européen
Il faut dire que quatre ans plus tard, la mariée est encore plus belle, ayant pris de l’envergure grâce à des opérations de croissance externe qui ont augmenté son périmètre de près de 70 % pour tutoyer les 300 M€ de chiffre d’affaires en 2021. De plus, les deux principaux risques qui planaient sur le marché de RG ont disparu : la menace Amazon qui ne s’est finalement pas positionné sur la vente d’EPI, et la désindustrialisation de la France qui n’est plus d’actualité. Autant dire que l’ETI, déjà numéro un de son secteur en France, disposait d’un boulevard devant elle pour devenir un consolidateur européen. Figurant déjà parmi les 5 premiers acteurs du continent, le groupe RG a démontré sa capacité à réussir des opérations de croissance externe avec 7 build-up en quatre ans dont la moitié hors des frontières hexagonales. Le distributeur, qui réalise 20 % de son chiffre d’affaires à l’international, avait en effet mené sous l’ère LBO France des incursions en Espagne avec les rachats de Joysa Vestuario Laboral et Waterfire, et en Italie avec la reprise de Nuova OLP. « Nous nous sommes également diversifiés dans les EPI de catégorie 3 sur la prévention des risques mortels et avons réalisé l’acquisition d’EPI Centre, une fédération d’une cinquantaine de distributeurs positionnés sur la cible des TPE et artisans qui nous permet de préserver la diversification de notre clientèle et ne pas devenir trop dépendants des grands comptes », détaille Pierre Manchini, qui veut rester encore imprégné du terrain, même avec le changement de dimension de RG, désormais fort de 530 M€ de chiffre d’affaires et de 1 500 collaborateurs. Enfin, le groupe a aussi pris une longueur d’avance en ESG en ayant mis en place un rating de ses produits en fonction de leur empreinte environnementale pour permettre à ses clients, grands comptes notamment, d’arbitrer en fonction de paramètres extra-financiers.