Le contexte de la crise sanitaire a-t-il eu un impact sur les opérations de carve-out ?
Guillaume Vallat : On peut s’attendre à ce que la crise du Covid-19 soit un accélérateur de la tendance au recentrage, qui avait déjà été amorcée au sein de certains groupes avant la pandémie. Par recherche d’une meilleure rentabilité ou d’une plus grande lisibilité de leurs activités, parfois sous l’impulsion de fonds activistes, de nombreux groupes ont en effet lancé avant la crise sanitaire une revue stratégique de leur portefeuille d’actifs afin de se concentrer sur leurs business les plus porteurs, se concrétisant par la vente de filiales ou d’activités. Après un coup d’arrêt en milieu d’année dernière, ces opérations ont repris et on peut anticiper qu’elles se poursuivent, voire s’accentuent dans les mois à venir. Saint Gobain avait par exemple annoncé, dès 2018, un plan de cession d’actifs pour un montant de 3 Mds€. L’objectif a été atteint à l’automne 2019, mais le groupe a poursuivi son plan avec de nouvelles cessions fin 2019 et en 2020, dont celles de Point.P Travaux Publics et de Lapeyre. Le groupe a par ailleurs annoncé début 2021 être entré en négociations exclusives pour céder son activité distribution aux Pays-Bas. Ces annonces sont assez illustratives du contexte actuel, qui va vraisemblablement accélérer les processus de transformation au sein des grands corporates en vue d’assurer leur recentrage ou pour répondre à un besoin de réduction de leur endettement. Côté acheteurs, l’environnement est également propice à la conclusion de telles opérations.
Quels types d’investisseurs ces opérations attirent-elles ?
G. V. : Ces opérations sont principalement motivées par le fait que le vendeur ne souhaite plus, pour des raisons stratégiques, faire les investissements nécessaires pour soutenir le développement de l’activité qu’il envisage de vendre. Cette situation peut susciter l’intérêt aussi bien de corporates voulant se renforcer que de fonds d’investissement à la recherche de nouvelles opportunités, avec comme postulat que l’apport de moyens financiers additionnels, la définition d’un projet de développement plus ciblé et la mise en place d’une nouvelle gouvernance soient générateurs de croissance et de valeur. Les opérations de carve-out sont à ce titre d’autant plus intéressantes que ce sont des opérations « primaires » pour lesquelles les leviers sur lesquels travailler pour atteindre ces objectifs de croissance (opérationnels, organisationnels, financiers) sont potentiellement nombreux.
Qu’est-ce qui fait la spécificité d’une opération de carve-out par rapport à un deal M&A plus classique ?
G. V. : Un carve-out porte, par nature, sur la cession par un groupe d’une activité intégrée, plus ou moins fortement, au sein de son organisation. Plus cette intégration est importante, plus le détourage envisagé sera complexe. Réaliser avec succès une telle opération implique en effet de transférer l’activité concernée, en dénouant d’une part tous ses liens avec le vendeur, tout en s’assurant, d’autre part, de sa poursuite sous sa nouvelle configuration autonome dès le premier jour de son rachat. Cela nécessite de traiter de nombreux sujets en matière de structure, salariés, contrats, fiscalité, financement, IT, parfois de restructuring, etc., afin d’aboutir in fine à un ensemble cohérent et fonctionnant de manière indépendante. C’est ce qui fait que ces opérations soient usuellement longues et complexes, mais également particulièrement stimulantes pour les parties en présence et leurs conseils.
Propos recueillis par Ondine Delaunay