Proposant des logiciels, des équipements de découpe ou encore des solutions d’analyse de données aux acteurs de la mode, de l’automobile et de l’ameublement, Lectra a fait évoluer sa stratégie en 2017, au sein de laquelle la croissance externe occupe, à nouveau, une place centrale. Après avoir bouclé une nouvelle acquisition en janvier dernier, la neuvième depuis six ans, le groupe continue de prospecter activement sur ce front.
Un exercice 2024 lancé au pas de course. Le 9 janvier dernier, Lectra annonçait avoir bouclé le rachat de la majorité du capital de Launchmetrics, une entreprise américaine qui conçoit et commercialise une plateforme cloud innovante dédiée à la performance de marque. Pour le groupe français, qui vient de célébrer ses cinquante ans d’existence, cette opération marque
une étape de plus dans la concrétisation
de l’ambition qu’il s’est fixée : devenir un leader incontournable de l’Industrie 4.0 dans le monde d’ici 2030. Théorisé par le gouvernement allemand au début des années 2010, ce concept d’Industrie 4.0 renvoie à l’intégration de nouvelles technologies (objets connectés, impression 3D, big data et analyse de données, cloud, réalité virtuelle, intelligence artificielle…) au sein de processus industriels et de production, en vue non seulement d’optimiser la productivité des entreprises, mais aussi d’améliorer les conditions de travail des salariés. Un axe cher à la société, qui fournit depuis 1973 aux acteurs de la mode – marques de luxe comme grand public (Petit Bateau, Celio, Inditex…) –, de l’automobile, de l’ameublement et de quelques autres industries comme l’aéronautique, des outils logiciels, des équipements de découpe et des solutions d’analyse de données. « Lectra est par exemple derrière près des deux tiers des sièges automobiles en tissu et 70 % des airbags conçus dans le monde », illustre Maximilien Abadie, son chief strategy officer et chief product officer.
Une première vague
autour des années 2000
L’ETI, qui a dégagé 477,6 M€ de chiffre d’affaires en 2023, s’était positionnée à l’origine sur l’industrie de la mode, avant d’entamer sa diversification sectorielle dans les années 1990. C’est également à cette période qu’elle a réalisé ses premières opérations de croissance externe, dans une logique d’accélérer cette dernière et d’enrichir son offre de produits et de services auprès de ses clients existants. « Entre la fin du siècle dernier et le début des années 2000, Lectra avait ainsi réalisé une dizaine d’acquisitions, rappelle Maximilien Abadie. S’il s’agissait essentiellement de petites sociétés opérant dans l’univers de la mode, cette première vague de M&A avait également été marquée par deux rachats plus structurants, en l’occurrence celui de l’entreprise espagnole Investronica Sistemas, numéro 3 mondial du secteur des systèmes de conception et fabrication assistées par ordinateurs pour l’industrie textile, et celui du canadien Lacent Technologies, un des leaders mondiaux dans la découpe d’airbags. » Confronté à une chute sensible de ses ventes lors de la grande crise financière de 2008-2009, le groupe a ensuite mis en pause sa stratégie de croissance externe, concentrant alors ses efforts sur une remise à plat de son offre globale et sur l’intensification de sa politique de recherche et développement. Formalisée au travers du plan stratégique baptisé Lectra 3.0, cette démarche a porté ses fruits, comme le reflète le passage d’une perte nette de 3,6 M€ en 2009 à un bénéfice net de 26,7 M€ en 2016.
Une empreinte renforcée sur plusieurs continents
C’est sur cette base assainie qu’a ensuite été élaborée, début 2017, la stratégie Lectra 4.0, qui entend faire de l’entreprise cette référence de l’Industrie 4.0. Pour y parvenir, plus question de se reposer uniquement sur la croissance organique. « Dans le cadre de cette relance de la stratégie M&A, nous avons fait le choix de cibler des sociétés technologiques, qui disposent de technologies ou de briques technologiques clés dans le domaine de l’Industrie 4.0 et, prioritairement, dont les solutions sont complémentaires aux nôtres », explique Maximilien Abadie. Depuis 2018, pas moins de neuf transactions de cette nature ont ainsi été bouclées : KubixLab en Italie (start-up permettant aux marques de mode de gérer, de bout en bout, toutes les informations sur les produits), Retviews en Belgique (solution automatisée d’analyse concurrentielle dédiée à l’habillement), son concurrent historique Gerber Technology aux États-Unis, Neteven en France (optimisation de la gestion des marketplaces), Gemini CAD Systems en Roumanie (offre logicielle dédiée à l’habillement), TextileGenesis (suivi de la chaîne d’approvisionnement de l’habillement) aux Pays-Bas, Glengo Teknoloji en Turquie (principal distributeur en Turquie, en Asie centrale et au Moyen-Orient), reprise de l’activité de production en Chine des équipements de découpe de son sous-traitant hollandais VDL et, enfin, Lauchmetrics outre-Atlantique.
Pour mener à bien ce type d’opérations, Lectra s’appuie sur une équipe dédiée, dirigée par Maximilien Abadie. Celle-ci comprend cinq personnes qui, outre l’identification de cibles, la réalisation des due diligences et le pilotage du processus d’acquisition, s’occupent également de l’intégration. « Il arrive aussi régulièrement que nous soyons directement approchés, soit par des conseils, soit par des fondateurs de start-up, signale le responsable. Aux yeux de ces derniers, le fait que Lectra possède un vaste réseau de filiales à l’international et puisse leur ouvrir l’accès à ses propres clients constituent des arguments de poids. » Chaque année depuis trois ans, ce département a examiné, de façon approfondie, environ 80 opportunités de rachat et engagé trois à cinq processus de due diligence. Lectra privilégie alors l’acquisition d’un bloc majoritaire du capital, tout en incluant des options pour mettre la main progressivement sur le reste des titres. « Ce modus operandi permet de créer une "incentive" pour les managers », apprécie Maximilien Abadie.
La Fashion Tech dans le viseur
Après un exercice 2023 durant lequel son chiffre d’affaires (- 6 % sur un an) et son résultat opérationnel courant (- 15 %) ont reculé du fait d’un environnement macroéconomique et géopolitique dégradé, Lectra a récemment réaffirmé son objectif de dégager des revenus compris entre 480 et 530 M€ en 2024, et supérieurs à 600 M€ en 2025. La croissance externe pourrait y contribuer. « Nous continuons d’examiner divers projets de front », confirme ainsi Maximilien Abadie. La société cible principalement des entreprises de petite ou moyenne tailles, toutes géographies confondues, avec un focus particulier sur les pépites de la fashion tech.