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Distressed M&A - Entre contraintes et belle opportunité

Par Ondine Delaunay

S’il rentre dans le cadre plus large des fusions-acquisitions, le distressed M&A relève néanmoins d’un environnement économique et juridique complexe qui présuppose de tenir compte d’une série de contraintes pour le vendeur, l’acquéreur et le dirigeant. Entretien avec Saam Golshani, associé du cabinet White & Case.


Qu’est ce qui diffère le distressed M&A des règles du jeu traditionnel des fusions-acquisitions ?


Saam Golshani : Une opération de M&A distressed comporte des barrières à l’entrée, pour le vendeur comme pour l’acquéreur. C’est un environnement où les contraintes sont nombreuses, tant en termes de responsabilité qu’au niveau de la structuration de l’opération. Car dans de telles hypothèses, la situation financière du vendeur peut être tendue, tout comme celle de la cible, ce qui aura un impact sur la mécanique juridique de l’opération. Dans du M&A classique, le vendeur doit donner des garanties, voire accepter une clause d’ajustement de prix. Dans une opération de distressed M&A, si le vendeur est lui-même en difficultés, il ne peut par principe donner aucune garantie. Les règles du restructuring s’appliquent avec des conséquences pour les parties. Ayant connaissance de ces difficultés, l’acquéreur a la responsabilité de financer l’actif dès le premier jour de la reprise. La jurisprudence est désormais très claire sur ce point. Bien sûr la structuration du prix peut permettre de traiter cette question. Et c’est ainsi que l’on voit apparaître des hypothèses de prix négatif, dans des dossiers de carve-out. On se souvient notamment du dossier La Redoute dans lequel le vendeur, Kering, a injecté quasiment 500 M€ de liquidités dans la cible pour la vendre aux salariés. Le vendeur finance l’actif en laissant de la trésorerie dans la société avant de la céder. Mais si les fonds s’avèrent ensuite insuffisants et que le dépôt de bilan s’ensuit, est-ce que le vendeur engage sa responsabilité vis-à-vis du repreneur ? De la même façon, l’acquéreur peut-il être tenu responsable si le financement qu’il a investi n’a pas suffi à sauver l’entreprise ?


Quels sont les points sur lesquels l’acquéreur doit porter une attention particulière ?


S. G. : Il doit tout d’abord s’assurer que le vendeur est en capacité, au sens juridique du terme, de vendre l’actif. Il peut en effet exister un risque qu’un tiers créancier se présente pour remettre en cause la cession. Il doit par ailleurs porter une attention accrue au financement de l’actif. Que celui-ci soit le fait du vendeur ou de l’acheteur, en toute hypothèse il repose désormais sur ce dernier la responsabilité de fournir à la cible des liquidités suffisantes pour lui éviter le dépôt de bilan pendant une période assez longue, au minimum de deux ans. Les temps ont changé, on ne peut plus racheter une entreprise en pensant que, dans le pire des cas, on la liquidera rapidement. L’acquéreur doit donner les moyens à l’entreprise de survivre en lui préparant un business plan viable et en l’assumant financièrement. Ajoutons en outre que la captation d’actifs de valeur dans une cible en difficulté par un acquéreur opportuniste relève désormais du droit pénal.


Comment l’entreprise en difficulté doit-elle se préparer pour convaincre un potentiel repreneur industriel ?


S. G. : Le dirigeant de la cible en difficulté a la responsabilité de faire tout ce qui est nécessaire pour préserver l’intérêt social de son entreprise. Dans ses relations avec le futur acquéreur, il doit donc faire preuve de transparence sur l’état financier actuel et sur les risques futurs qui pourraient affecter le business plan post-acquisition. Il repose une responsabilité personnelle sur les épaules du dirigeant. La dynamique est donc très différente d’une opération de M&A classique dans laquelle le niveau d’information demandé à la cible est agréé par le vendeur. En distressed M&A, le dirigeant doit être parfaitement transparent.

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