En septembre dernier, Amber Capital a annoncé la cession de sa participation dans le groupe Lagardère, cinq ans après son entrée au capital. À l’époque, quels facteurs avaient conduit ce fonds d’investissement qualifié d’activiste, que vous avez accompagné, à s’intéresser à cette société ?
Diane Lamarche : Amber Capital avait la conviction que le cours de Bourse du groupe Lagardère affichait une décote sensible comparativement à la valeur de ses actifs. Selon son analyse, cette situation résultait de deux facteurs. Le premier tenait à la présence de la société dans deux secteurs d’activité lourdement déficitaires, en l’occurrence les médias et les sports, dont il convenait de sortir pour se recentrer exclusivement sur l’édition et le travel retail. Le second était lié à la gouvernance mise en place au sein du groupe avec toutes les contraintes découlant du statut de société en commandite par actions (SCA) et aux coûts de structure qui n’étaient plus, selon Amber, justifiés.
Cette critique est souvent formulée à l’encontre des SCA. La gouvernance du groupe Lagardère souffrait-elle d’exception ?
Diane Lamarche : Il y a très peu de cas de SCA cotée (une 10aine sur plus de 900 sociétés cotées en France), pour une raison simple : ce statut confère aux dirigeants (appelés « gérants ») à la fois des pouvoirs extrêmement importants et une forme de protection naturelle dans la mesure où les actionnaires (dits « associés commanditaires ») n’ont pas la possibilité de les révoquer. L’associé commandité peut ainsi contrôler le groupe avec une participation faible au capital (en l’espèce, autour de 7,5 %). Certes, le conseil de surveillance représente les actionnaires, mais Amber considérait que le conseil de surveillance de Lagardère, composé uniquement de membres indépendants, ne remplissait pas suffisamment son rôle de contre-pouvoir face à la gérance.
Au terme de vives tensions avec la gérance, et par le biais notamment d’une alliance avec Vivendi et de plusieurs campagnes visant à sensibiliser d’autres actionnaires, Amber Capital est finalement parvenu à faire évoluer la gouvernance du groupe Lagardère, qui s’est transformé en juin dernier en société anonyme. Quel bilan votre client dresse-t-il de cette aventure ?
Diane Lamarche : D’un point de vue général, d’abord, ce dossier aura contribué à démontrer l’importance que peuvent avoir des activistes dans la mise en œuvre d’un dialogue actionnarial constructif. S’agissant d’Amber Capital plus spécifiquement, ils sont bien évidemment très heureux du parcours accompli. Même si les relations avec la gérance ont parfois été compliquées, le groupe Lagardère en ressort avec une gouvernance assainie, comme en témoigne la nomination d’un conseil d’administration représentatif des principaux actionnaires. L’exploit n’est pas maigre : c’est la première fois sur la place de Paris qu’une SCA se transforme en SA sous l’action d’un actionnaire minoritaire actif ! Amber Capital estime avoir rempli ses objectifs vis-à-vis du groupe. Il a désormais accepté de céder sa participation à un grand acteur industriel, ce qui fait pleinement sens pour assurer le développement futur de Lagardère.
L’affaire n’est toutefois pas complément finie, le Parquet national financier ayant décidé d’ouvrir une information judiciaire pour « abus de biens sociaux et achat de votes » à l’encontre de Lagardère à la suite d’une plainte déposée en février dernier par Amber Capital…
Diane Lamarche : Conformément aux termes de l’accord transactionnel conclu avec le groupe Lagardère, Amber Capital a mis fin à l’ensemble des différents qui l’opposaient à Lagardère et n’a donc aucun commentaire à faire sur ce sujet qui est désormais dans les seules mains de la justice.
Par Arnaud Lefebvre