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5àsec veut retrouver son lustre

Trois ans après son lender-led avec LGT Capital, le numéro un mondial du pressing compte bien dépoussiérer son activité, et trouver un nouveau souffle après des années de déclin aggravé par la crise sanitaire.

Il fut un temps où le pressing faisait partie du quotidien des Français, et l’enseigne 5àsec aussi fréquentée que le caviste du quartier. Ce temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, celui des travailleurs urbains engoncés dans leurs costumes monochromes et leurs tailleurs stricts, bien avant que le « street-wear » ne rende « casual » tous les jours de la semaine et que le télétravail décontracte les tenues et relâche les corps. Si les enseignes de prêt-à-porter ont fait les frais de ces mutations de mode de vie et de rapport au vêtement, provoquant une hécatombe dans les marques de moyenne gamme, le pressing fait également partie des victimes collatérales. Le Français 5àsec, numéro un mondial du secteur, qui a démocratisé l’usage du pressing dans les années 1970 et 1980, a ainsi subi un long déclin depuis les années 2000, aggravé par la crise sanitaire qui l’a précipité en redressement judiciaire en 2020. Mais le groupe, dirigé depuis 2019 par Olivier Boccara, ancien CEO de Primavista rodé aux problématiques de repositionnement stratégiques dans le BtoC, repris et recapitalisé par son créancier LGT Capital, compte bien dépoussiérer son activité et adapter son modèle économique au « dress-code » des « millennials » en nouant notamment des partenariats avec Vinted et en rafraîchissant son image vieillotte. En parallèle, il planche sur sa diversification dans le BtoB, qui devrait passer de 8 à 20 % de son activité après l’acquisition de la plateforme d’entretien de vêtements professionnels Cleanway auprès d’Edenred début septembre.

Des 70’s aux années 2000 : les trente glorieuses

Il faut dire que l’enseigne, créée en 1968 par Roger Chavanon, a littéralement « disrupté » son marché avec un concept jugé révolutionnaire à l’époque : un prix hyper compétitif via cinq tarifs connus d’avance (d’où le nom de la marque) et des délais très courts avec la promesse que les vêtements seront rendus propres en moins d’une semaine. Visionnaire, ce teinturier stéphanois parti faire fortune à Marseille, est l’un des premiers de la profession à intégrer au local commercial les machines de nettoyage. L’enseigne profite du développement des supermarchés pour s’étendre avec un réseau de franchise bientôt tentaculaire. Les premiers partenaires de la franchise s’exportent très vite en Europe, et quand Roger Chavanon cède sa marque en 1998, le réseau comptait près de 1 500 points de vente. Depuis, l’entreprise a multiplié les LBO, passant du portefeuille des filiales bancaires Spef et BNP Développement, à celui de Milestone, un vétéran luxembourgeois du private equity, en 2001, puis à celui de l’ex-captive néerlandaise ING Parcom (rebaptisée Parquest depuis) en 2007. Ces années fastes ont vu défiler plusieurs dirigeants. Sous l’ère d’Olivier Bedat, transfuge de Mister Minit arrivé en 2001, l’axe de développement fut mis sur les master franchises espagnoles, suisses et portugaises et la poursuite du maillage hexagonal avec l’acquisition de plus de 70 magasins en France. 5àsec met également la main sur son plus important master franchisé, le rouennais Labrunye en 2003. L’intégration de ce nouveau réseau, composé de 60 points de vente en propre et de 133 en franchise, répartis en France, en Espagne et en Hongrie, permet au groupe de quasi doubler son chiffre d’affaires, de 30 à 50 M€. Cette boulimie d’acquisition se poursuit avec le nouvel actionnaire, ING Parcom, qui a pris le contrôle majoritaire du capital en 2007.

La fuite en avant vers les pays émergents

Début 2008, la chaîne de nettoyage de textile rachète son principal concurrent français, Bel & Blanc, doté d’un réseau de 64 magasins détenus en propre. Le chiffre d’affaires du groupe continue donc sa croissance à 93 M€ en 2011, tandis que le volume d’affaires des franchisés a atteint 345 M. Mais déjà, cette course à la taille cache une rentabilité en berne et une remise en cause du modèle économique basé sur le volume, surtout en Europe où le pressing a été fortement concurrencé par la montée en gamme des équipements électroménagers à domicile et l’évolution des vêtements de travail vers des matières plus faciles à entretenir chez soi. En 2009, le CEO Olivier Bedat signe son départ pour « divergences stratégiques » avec ses actionnaires et cède la place à David Sztabholz, un ancien cadre de Rentokil qui avait repris la marque de chaussures Beryl, revendue à Vivarte. Son mandat de cinq ans sera surtout marqué par l’expansion géographique en Amérique du Sud, où 5àsec rachète successivement son master franchisé au Brésil en 2010 et en Argentine en 2011. Une fuite en avant qui n’a pas résolu les problèmes de rentabilité du groupe même si la conquête de l’Amérique latine, puis – plus tard – de l’Asie, a permis de compenser la chute des volumes dans les fiefs historiques de l’enseigne en Europe. « Contrairement à la France et la Suisse où la consommation du pressing a chuté, les pays émergents ont constitué un réservoir de croissance du fait d’un rapport culturel différent au vêtement et du faible coût de main-d’œuvre qui rend le service accessible à la classe moyenne », décrypte Olivier Boccara, dirigeant actuel de 5àsec.

Un 5e LBO sur des bases fragiles

L’érosion s’accélère à partir des années 2014 où le groupe enregistre un volume d’affaires de 300 M€ pour son réseau de 1900 magasins dans le monde sous l’enseigne 5àsec. Incapable de rembourser une dette contractée en haut de cycle juste avant la crise financière, l’entreprise met en place une restructuration financière ainsi qu’une recapitalisation de 10 M€ menée par un nouvel actionnaire, Rive Private Investment, qui prend la majorité du capital. Un nouveau dirigeant, Nicolas Boucault, entre en scène, pour mener une opération d’assainissement du réseau tout en mettant l’accent sur l’innovation avec l’acquisition de la start-up de conciergerie Groombox, en 2015. Une emplette qui lui a permis de se développer sur le segment BtoB avec l’installation de casiers dédiés aux employés et installés dans les halls d’entreprises. C’est donc dans un état « comme neuf » qu’un cinquième LBO est mené en 2017 par Bridgepoint Capital Développement (BDC) pour une valorisation de 50 M€. Mais le ravalement de façade n’a pas suffi à endiguer les difficultés structurelles du groupe, et deux ans plus tard Bridgepoint change à nouveau de dirigeant pour un nettoyage plus approfondi. « J’ai été mandaté pour auditer les magasins, les clients et le marché et faire un véritable état des lieux de la situation avant d’entamer le redressement, témoigne Olivier Boccara. L’entreprise avait été sous-investie pendant des années et le changement culturel nécessaire par la bascule du marché ne s’est pas fait, sans parler de la transformation digitale passée aux oubliettes avec des outils de caisse obsolètes et une exploitation de la data quasi-inexistante ». Une fois le diagnostic posé et la nécessité de recapitaliser l’entreprise avérée, les discussions tripartites entre l’actionnaire Bridgepoint, le créancier LGT, qui a fourni la dette unitranche du cinquième LBO, et le management devaient aboutir en mars 2020…

Un nouveau départ post-essorage

L’avènement de la crise sanitaire, entraînant la fermeture de la quasi totalité des 2 000 points de vente de 5àsec dans le monde, a tiré un trait sur le plan initial tout en creusant le passif opérationnel. Une injection importante de fonds propres de l’ordre de 10 à 15 M€ étant devenue nécessaire et après de nouvelles négociations, BDC a décidé de céder l’intégralité des actions du groupe de pressing à LGT Capital Partners pour 1 € symbolique. Quelques jours après cette opération signée le 28 avril 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire pour la société qui a trouvé son issue fin 2020. « Cette période d’immobilisme a servi de catalyseur pour assainir les finances haut de bilan et se donner les moyens d’appliquer notre plan de relance après avoir fait le dos rond pendant tout le stop-and-go de la période Covid », confie Olivier Boccara, qui fourmille d’idées pour positionner 5àsec comme un fournisseur de solutions pour tous les problèmes textiles posés à un particulier : de l’entretien du linge de maison (dans un contexte de prolifération des acariens et autres punaises de lit), au conseil sur l’éradication des tâches difficiles, en passant par la remise à neuf des vêtements de seconde main. Ainsi, des casiers, semblables aux « lockers » d’Amazon, nommés Vinted Go sont testés dans les magasins 5àsec à Paris et à Lyon pour proposer nettoyage, retouches et autres ajustements aux « Vinties ». Le groupe qui a réalisé en 2023 un chiffre d’affaires de 80 M€, encore en déclin par rapport à ses revenus pré-Covid, continue par ailleurs à rationaliser son parc de magasins et à améliorer ses process industriels dans le sens de plus d’éco-responsabilité et de frugalité énergétique.

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