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Renaissance Luxury galvanise de belles endormies

Artisan du sauvetage de la maison centenaire de fabrication de bijoux Altesse et du maroquinier breton Texier, Éric Lefranc a refondu le modèle économique de ces entreprises du « patrimoine vivant » et bâti son succès sur le made in France.


Lancer une marque de bijoux en pleine crise sanitaire est un pari osé. Pour autant, Renaissance Luxury Group n’a pas renoncé à l’inauguration de sa nouvelle griffe, Saunier, une ligne de bijoux intemporels au prix abordable et « made in France ». Même si le contexte a forcément terni l’éclat de cette nouvelle gamme, appelée à marcher dans les pas du succès fulgurant des Georgettes, les célèbres manchettes issues de la même maison ardéchoise Altesse. « C’est une année douloureuse qui a freiné l’élan de croissance que nous avions depuis cinq ans, mais nous devons nous adapter et préparer l’avenir pour pérenniser le savoir-faire de belles maisons françaises », résume, plus combatif que jamais, le président et fondateur de Renaissance Luxury Group, Éric Lefranc. Celui qui a fait des Georgettes la première marque de bijoux accessibles vendus en réseaux de bijoutiers indépendants en France, devant Pandora et Swarovski, planche d’ailleurs sur un nouveau dossier de reprise pour compléter son portefeuille d’entreprises du patrimoine vivant composé aujourd’hui du bijoutier Altesse, du maroquinier Texier, et d’un atelier de fabrication de bijoux en Thaïlande pour les pièces serties à la main dont le coût de fabrication n’est pas viable en France. Le groupe a réalisé un chiffre d’affaires de 50 M€ en 2019, à comparer aux 35 M€ réalisés en 2013, même si cette année 2020 devrait dégrader ses revenus de 15 à 20 % et lui faire rompre avec une rentabilité retrouvée dès 2015.


Refonte du business model. Pourtant, rien ne prédestinait Éric Lefranc, rôdé aux dossiers de retournements industriels chez Caravelle où il a œuvré au chevet de l’équipementier Marrel, et des entreprises de messagerie TNT et Ducros Express, à mettre au goût du jour des accessoires frivoles pour sauver des savoir-faire en péril. Quand il a quitté Caravelle à la suite du décès accidentel de son emblématique fondateur Pierre-André Martel, Éric Lefranc s’est mis en quête de dossiers de reprise et c’est le pur hasard qui lui a fait étudier en 2014 le cas de l’entreprise de bijouterie Altesse GL en dépôt de bilan au fin fond de l’Ardèche. Le groupe familial dirigé par le petit-fils du fondateur avait accumulé un passif de 24 M€ pour 35 M€ de chiffre d’affaires en 2013. Une année plus tard, Éric Lefranc reprend à la barre le maroquinier Texier qu’il vient de rebaptiser « Ateliers de Vitré » du nom de la commune bretonne où sont fabriquées les lanières de cuir qui habillent les manchettes « Georgettes ». Le fabricant de sacs et accessoires en cuir a d’ailleurs fini par abandonner sa production pour marque propre pour se concentrer uniquement sur la sous-traitance, à la fois pour son entreprise sœur Altesse, mais aussi pour de grands acteurs du luxe. Une stratégie à l’opposé de celle de la maison ardéchoise de bijouterie qui, au moment de sa reprise par Éric Lefranc, était essentiellement un fabricant sous licence terrassé par la concurrence asiatique, malgré son expertise reconnue dans le procédé de galvanisation qui consiste à un dépôt de cuivre, plus un flash d’or liquide déposé par électrolyse suivi d’un dépôt final d’argent, d’or rose ou d’or jaune. « Il nous a paru évident que si nous voulions maintenir le savoir-faire français de cette entreprise, il fallait développer notre propre stratégie de marque car le modèle économique de sous-traitance n’était pas viable à long terme », retrace Éric Lefranc.


Un état d’esprit. Et en termes de nouveau concept, le professionnel du retournement a frappé fort avec ces manchettes en laiton, personnalisables grâce à des languettes de cuir aux couleurs acidulées, réversibles et interchangeables. Des bijoux fantaisie à la fois flashy et bon chic bon genre, baptisées d’un nom rétro rendant hommage à Georges Legros, fondateur de la Maison Altesse. « Plus qu’une marque « art de vivre », Les Georgettes est un état d’esprit. Elles séduisent des femmes qui s’affirment, qui ont des choses à dire et qui consomment de manière engagée en privilégiant le made in France. » De là à en faire un symbole du féminisme citoyen, il n’y a qu’un pas que l’entrepreneur n’a quand même pas osé franchir. Toujours est-il que la marque a eu des ambassadrices de prestige, dont Brigitte Macron qui s’est affichée à maintes reprises avec la manchette clinquante au poignet. « En 2018, Les Georgettes a été une des marques les plus copiées », confie même le président de Renaissance Luxury. Cette ligne de bijoux fantaisie vendus à moins de 100 euros a doublé ses ventes trois années successives, atteignant les deux tiers du chiffre d’affaires du groupe aux 340 salariés en France, avant de se heurter au confinement qui a grippé une machine bien rôdée. Pour contrer la baisse des ventes des Georgettes réalisées essentiellement dans les réseaux de bijoutiers indépendants, les corners de grands magasins et via cinq boutiques en propre qui ont dû baisser le rideau pendant des mois, Éric Lefranc a mis le paquet sur la communication de la marque auprès de ses clientes, tenté d’accélérer la bascule des ventes sur son site e-commerce et lancé une nouvelle collection au printemps avec une innovation « trendy » : le cuir à motifs. Car il faut se renouveler pour lutter contre la lassitude, revers classique auxquels sont confrontés tous les phénomènes de mode, en plus de la morosité ambiante qui ne pousse pas vraiment aux achats compulsifs d’accessoires. Mais avant même la crise sanitaire et pressentant l’essoufflement de l’engouement lié aux Georgettes, le groupe planchait déjà sur une nouvelle ligne plus classique et intemporelle, à rebours des diktats du « fast-fashion ». Saunier partage sa destinée avec les Georgettes puisque c’est le même bureau de style parisien qui dessine les créations des deux marques, et c’est dans le même atelier ardéchois que sont réalisées les opérations de tréfilage, tricotage, estampage et polissage ainsi que la galvanoplastie avant un passage de protection au rhodium. Gageons que ces « créations précieuses, uniques, intemporelles, accessibles à tous et porteuses de sens » rencontreront également leur public et pérenniseront de tout aussi précieux emplois.

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