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Zodiac Nautic regonflé à bloc

Par Houda El Boudrari

Chiffres-clés

> 50 M€ de chiffre d’affaires en 2018 pour 500 salariés.
> 3 000 bateaux et 8 000 annexes gonflables ont été produits et écoulés au niveau mondial en 2017.
> 1 600 points de vente, répartis dans 90 pays.


Après avoir frôlé le naufrage en 2015, l’inventeur du bateau pneumatique a sorti la tête de l’eau grâce à sa reprise par l’ancien dirigeant de Davey Bickford, soutenu par deux ex-managers de Converteam.


Coulé par la stratégie hasardeuse des fonds d’investissement américains Carlyle puis OpenGate, Zodiac Nautic a paradoxalement émergé des difficultés grâce au LBO… enfin presque. Car deux de ses sauveurs à la barre du tribunal de Nanterre en juillet 2015, Pierre Bastid et Florent Battistella, ont pu bénéficier du management package le plus généreux de l’histoire du LBO français (Converteam). Le troisième larron, Dominique Heber Suffrin, vient d’une equity story plus modeste mais c’est lui l’artisan du retournement de Zodiac.


Tout fraîchement libéré (et lesté d’une belle plus-value) du LBO de Davey Bickford, cédé par Argos Soditic à un industriel chilien en juillet 2015, l’ancien président de l’entreprise de pyrotechnie était justement à la recherche d’un nouveau défi industriel, quand il tombe sur une annonce légale dans la presse pour la reprise à la barre de la marque de bateaux pneumatiques. Mû d’abord par une forme de sentimentalisme à refuser de laisser couler une marque emblématique qui a marqué son enfance, il trouve les arguments rationnels pour convaincre ses deux acolytes, Pierre Bastid et Florent Battistella, aux poches bien plus profondes. Leur offre, portée par la holding Energetic, a suscité l’approbation quasi unanime des salariés, des administrateurs judiciaires, des dirigeants et des magistrats. Cette proposition « repose sur un projet industriel sérieux et réaliste », avait souligné le jugement du tribunal de Nanterre.


Les trois hommes acquièrent la totalité des actifs Nautisme pour 500 000 euros et s’engagent à injecter 7 millions d’euros immédiatement pour faire repartir la production et 3 millions supplémentaires au printemps 2016. Le fabricant de bateaux était, en effet, à l’arrêt depuis son placement en redressement judiciaire en avril 2015, faute de trésorerie. Autant dire que c’est une véritable résurrection qu’a connue Zodiac Nautique, qui a renoué au premier semestre 2018 avec les bénéfices pour la première fois depuis 11 ans, et doublé son chiffre d’affaires en trois ans à près de 50 millions d’euros aujourd’hui.


Ballottage actionnarial. Inventeur du bateau pneumatique, le Groupe Zodiac Nautic, composé des marques Zodiac, Bombard et Avon Marine, revendique une position de leader mondial de la fabrication et de la distribution de bateaux pneumatiques et semi-rigides de plaisance, d’annexes et de radeaux de survie. L’origine des difficultés de l’entreprise remonte à 2007 et son carve-out du groupe Zodiac Aéronautique, qui cède sa branche marine au fonds américain Carlyle sous le nom de Zodiac Marine Pool.


Le périmètre regroupe alors, outre la fabrication de bateaux pneumatiques, celle de ballons stratosphériques et d’isolants pour satellites, ainsi qu’une activité axée sur les piscines.


Cinq ans plus tard, Carlyle conserve uniquement la partie Pool Care et sort de l’activité nautique en scindant à nouveau le périmètre en deux entités : les canots pneumatiques militaires cédés au fonds Oaktree sous le nom de Zodialc Milpro (repris en 2017 par Argos Soditic) et la plaisance revendue au fonds OpenGate Capital, qui signait là un de ses premiers deals français. Erreur de débutant ou amateurisme patenté, Opengate avait clairement sous-estimé l’investissement à mettre en place pour soutenir l’activité de Zodiac Nautic qui avait souffert de ce ballottement actionnarial et d’une absence de stratégie industrielle dans un contexte de crise aiguë. Situés sur le bas et le moyen de gamme du nautisme, les Zodiac semi-rigides avaient en effet perdu des parts de marché, concurrencés à la fois par l’offre low cost venue d’Asie, dont les prix sont inférieurs de 30 %, et le premium, surtout italien, avec des marques comme Capelli. L’entreprise n’a pas su saisir à temps la vague de l’innovation, avec notamment des bateaux équipés de flotteurs en Néoprène, qui résistent mieux aux températures que le PVC des boudins historiques. Cette gamme, plus chère et donc à plus forte marge, n’a été introduite chez Zodiac qu’en 2009. Autant dire trop tard sur un secteur en proie à une crise sans précédent, avec des volumes de ventes divisés par deux entre 2008 et 2015 sur le marché du nautisme français.


Pour tenir la barre dans la tempête, il aurait fallu le soutien d’un actionnaire capable d’investir sur le long terme et en mesure de financer une activité très gourmande en cash et ultra-cyclique. Or, les 4,4 millions d’euros investis par OpenGate en trois ans se sont révélés bien insuffisants pour endiguer les pertes de revenus. En 2014, le roi du boudin gonflable a réalisé un chiffre d’affaires de seulement 36 millions d’euros contre 80 millions en 2008. Les pertes se sont élevées à 6 millions d’euros en 2014 et la dette fournisseur a grimpé à 10 millions. Le coup de grâce semble être venu du non-renouvellement par GE Finance du contrat de financement de portage de stocks (floor planning), qui permettait à Zodiac de placer ses navires chez les distributeurs, sans avoir à financer lui-même l’immobilisation d’avant-vente. C’est donc sur une embarcation en totale dérive que Domingue Héber Suffrin a embarqué en 2015, confronté à des usines à l’arrêt, des équipes chahutées, des fournisseurs échaudés et à la perte de confiance des clients.


Innovation et relocalisation. Dans sa course contre la montre, le nouveau patron va s’appuyer sur l’aura de la marque et une stratégie basée sur l’innovation. Le groupe a étoffé son bureau d’études installé à Bordeaux. En trois ans, les effectifs y sont passés de trois à quinze salariés. Et les capacités de production progressent, avec la relocalisation, notamment à Toulouse, de fabrications précédemment importées de Chine.


La PME mise sur sa marque phare, Zodiac, pour les semi-rigides positionnés moyen et haut de gamme. Elle cherche à y développer des services connectés au mobile qui permettent de savoir où se trouve son bateau et de consulter son état, et à apporter des innovations techniques, comme les foils développés par la société SEAir. En parallèle, elle a décidé de relancer la marque Bombard, en la plaçant dans l’entrée de gamme. Quant à Avon Marine, marque d’annexes acquise dans les années 1990, elle sera totalement électrique et proposée notamment aux fabricants de yacht. Zodiac se lance aussi dans les loisirs nautiques.


Début 2018, la PME a racheté la petite société landaise Anonym, qui a développé des paddles gonflables. Enfin, l’entreprise, présente dans 90 pays à travers un réseau de 1  600 points de vente, s’est implantée au Vietnam et essaie de grandir aux États-Unis.


De quoi faire rayonner à nouveau la marque centenaire, rendue célèbre par le navigateur Alain Bombard qui a traversé l’Atlantique en Zodiac en 1952.

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