Par Houda El Boudrari
La société aixoise a hissé en quelques années sa marque de poussette Yoyo en haut du hit-parade des objets de puériculture branchés, passant de 3 millions d’euros de revenus en 2012 à plus de 50 millions d’euros aujourd’hui. Accompagnée en minoritaire par Capital Croissance depuis trois ans, l’entreprise familiale caracole pour pousser ses ventes aux quatre coins du monde.
Les chiens ne font pas des chats, et les inventeurs géniaux engendrent parfois des génies du marketing. C’est ainsi que Jean-Michel Chaudeurge, le père du Babycook qui révolutionna les repas pour bébés il y a trente ans est aussi le géniteur indirect de la Yoyo, poussette de la branchitude citadine pensée par son fils, Julien Chaudeurge, pour glamouriser la parentalité dans les métropoles mondiales. Que ce soit à Paris, à New York, à Londres ou à Hong Kong, la Yoyo s’est imposée en quelques années dans le paysage urbain, tractant les enfants de stars aussi bien que la progéniture de hipsters soucieux de slalomer avec aisance dans les rayons de magasins bio.
Le Dyson des poussettes. Comme souvent, l’idée naît d’un besoin inassouvi quand Julien Chaudeurge, jeune père de famille, se heurte à un marché de la poussette trusté par des tanks inadaptés au mode de vie d’urbain nomade. En 2009, il crée avec son designer de père la société Babyzen qui lance l’ancêtre de la Yoyo, une poussette à trois roues ultra-pliable et facilement logeable dans un coffre de Mini ou de Fiat 500. Présenté dans un des plus grands salons internationaux de puériculture en Allemagne, le prototype convainc un distributeur allemand qui passe commande de 10 000 poussettes. L’aventure industrielle est lancée et dès 2012, le chiffre d’affaires dépasse 3 millions d’euros grâce au succès de ce modèle commercialisé à l’époque pour plus de 1 000 euros l’unité. C’est le bon timing pour un premier tour de table mais le fondateur de Babyzen choisit prudemment d’entrouvrir à peine son capital. Julien Chaudeurge lève 1,5 million d’euros auprès de Turenne Capital et d’investisseurs privés histoire d’apporter un peu d’huile dans les rouages de ses poussettes, dont la famille s’agrandit avec un nouveau modèle : la fameuse Yoyo.
Et là, c’est littéralement l’explosion des ventes ! Légère, facilement maniable, ultra-compacte et bien sûr très design, la Yoyo s’est d’abord fait connaître pour être la première poussette à être homologuée en bagage cabine dans les avions. « En toute logique, ce sont les Parisiens et les habitants des grandes capitales mondiales qui l’ont adoptée puisque c’est là qu’on compte le plus de globe-trotters », indique Julien Chaudeurge, qui a su appliquer les recettes de l’advocacy marketing pour que les influenceurs sur Instagram, et les stars mondiales les plus en vue s’affichent avec la poussette et la mettent en valeur sous toutes les coutures. Fortement inspiré du succès de la marque Dyson « quoi de moins glamour qu’un aspirateur ? », et surtout du grand « revival » de la Mini et de la Fiat 500 dans l’industrie automobile où il a passé sa première partie de carrière, sans oublier le fameux Babycook « l’alliance d’un cuiseur-vapeur et d’un mixeur dans un objet design », Julien Chaudeurge est à bonne école pour transformer un objet utilitaire en produit plaisir.
Les chiffres clés
2009. Création de BabyZen par Jean-Michel Chaudeurge et son fils Julien.
2012. Les poussettes connaissent un succès rapide.
Le CA de l’entreprise dépasse 3 M€. Premier tour de table auprès de Turenne Capital.
2016. OBO avec Capital Croissance.
2018. Le groupe réalisé un chiffre d’affaires de 50 M€.
2019. Capital Croissance profite d’un reclassement
de titres pour se renforcer au capital, aux côtés de Bpifrance et d’Altur Investissement.
Un actionnaire qui lui ressemble. La PME aixoise passe en quatre ans de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires à 35 millions en 2016. C’est le moment pour Babyzen de redimensionner son tour de table pour accompagner son changement d’envergure. Naturellement, ce ne sont pas les courtisans qui manquent pour une pépite qui coche toutes les cases de la croissance. Mais l’entreprise familiale fait le choix d’un fonds entrepreneurial à l’ADN proche du sien, et dont l’ancrage régional lui assure un accompagnement de proximité. Rencontré quelques mois auparavant par l’entremise de l’investisseur de Turenne, Quentin Jacomet, le président de Capital Croissance, Éric Neuplanche arrive à séduire la famille Chaudeurge au complet (le père Jean-Michel et l’épouse de Julien, Claire, qui dirige l’activité française de Babyzen) qui l’accueille en minoritaire dans un Owner Buy Out. L’opération apporte quelque 8 millions d’euros de financement à l’entreprise et permet la sortie partielle de Turenne, avec une plus-value de près de 5 millions d’euros et un TRI de plus de 40 %. Mais plus que d’argent, le management de Babyzen recherche un véritable « sparring partner » pour structurer sa croissance. « Nous avons découvert à cette occasion le véritable rôle de partenaire stratégique d’un fonds d’investissement, confie Julien Chaudeurge. Capital Croissance nous accompagne sur tous les sujets auxquels nous avons été confrontés ces derniers mois : en nous conseillant sur la forme de nos implantations à l’international, en nous épaulant dans les recrutements de postes clés de l’équipe, ou encore en nous apportant une précieuse expertise dans la réflexion sur notre stratégie digitale. » Tout récemment, en mars, Capital Croissance profite d’un reclassement de titres pour se renforcer au capital aux côtés de Bpifrance qui fait son entrée et d’Altur Investissement, qui prend le relais de Turenne. Il faut dire que cette jeune société de gestion créée en 2010 par Éric Neuplanche, passé par Permira et Ardian, compte déjà à son actif de belles success stories, dont l’agence de conseil en commerce digital Altima cédée à Accenture fin 2017 ou le spécialiste des greffons osseux Biobank racheté en juillet dernier par le fonds Newalpha Verto.
Tropisme pour l’international. Avec un retour sur investissement de près de 4,5 fois sa mise et un TRI annuel de plus de 50 %, son premier fonds promet d’être un millésime exceptionnel, et son équipe est reconnue pour son fort tropisme pour le développement international. « La force de Babyzen et de sa poussette Yoyo est d’avoir su mener de front un développement simultané dans toutes les grandes métropoles mondiales », s’enthousiasme Éric Neuplanche. Cette exposition à l’international lui a permis de « ringardiser » très rapidement des marques établies comme le britannique Mac Laren, le suédois Stokke ou le Hollondais Bugaboo. 200 000 Yoyo ont été vendues en 2018 sur un marché global évalué à quelque 4 millions de poussettes haut de gamme dans le monde. « Nous estimons pouvoir au moins doubler ce volume », assure Julien Chaudeurge, qui se positionne plus globalement aujourd’hui sur l’ambition de faciliter la mobilité des jeunes parents citadins, en dotant ses poussettes d’accessoires tels que le Yoyo Bag, un sac de shopping qui permet de lester l’attelage transportant le bébé d’une dizaine de kilos de courses. Plutôt que le parcours d’un Babycook resté franco-français, et dont le succès s’est érodé face à une concurrence qui a banalisé le concept, Babyzen se rêverait plutôt un destin à la Nespresso, qui a su préserver sa marque et reléguer ses imitateurs au rang d’ersatz.