L’ex-filiale du groupe italien De Agostini, qui a connu son premier LBO avec Activa en 2016, a triplé sa rentabilité presque quadruplé sa valorisation en moins de trois ans.
En matière de LBO ce ne sont pas forcément les produits les plus glamour qui rapportent le plus. D’ailleurs, les investissements des fonds de private equity dans le secteur lunatique de la mode ont plus souvent alimenté le pipe du restructuring que fourni le rayon des success stories ces dernières années. Le fonds d’investissement Activa Capital est bien placé pour le savoir avec quelques cuisantes déconvenues, dont la marque de costumes Bruno Saint Hilaire qu’il a vainement essayé de remettre à flot avant de jeter l’éponge en 2017 et l’enseigne Sport 2000 dont il a dû sortir par la petite porte début 2019. C’est donc un grand bol d’air frais presque inespéré qu’il doit à « Atlas for Men » qui lui a permis de quadrupler sa mise au printemps dernier, moins de trois ans après avoir orchestré son spin-off en 2016. Le discret spécialiste de la vente par correspondance de vêtements et accessoires outdoor pour hommes a été la star d’un process très concurrentiel lancé en début d’année. En dernière ligne droite, le fonds français Motion Equity Partners, l’américain Riverside et le britannique Mayfair Equity Partners ont été doublés par Latour Capital qui a aligné plus de 180 millions d’euros pour emporter la belle, valorisée à peine une cinquantaine de millions d’euros lors de son LBO primaire en 2016. Il faut dire qu’entre-temps, Atlas For Men a vu son chiffre d’affaires progresser de 130 millions d’euros en 2015 à 189 millions d’euros en 2018. Sa rentabilité, elle, a quasiment triplé, passant de 7 millions d’euros en 2015 à une vingtaine de millions d’euros en 2018, tirée par un modèle économique basé exclusivement sur la vente par correspondance, donc sans magasins coûteux à financer en capex. Pendant cette courte période, la marque a aussi accéléré son développement à l’international avec les ouvertures en République Tchèque, Slovaquie et plus récemment au Royaume-Uni, générant 60 % de son chiffre d’affaires à l’étranger avec une présence dans 11 pays en Europe.
Surperformé le BP de 30 à 50 %. Vingt ans après sa naissance dans le giron du groupe d’édition Atlas, filiale du leader mondial des fascicules De Agostini, on peut dire que son dirigeant Marc Delamarre a endossé le costume d’entrepreneur LBO avec une aisance déconcertante. « La culture entrepreneuriale est très forte chez Atlas for men, qui a vécu une histoire autonome depuis que je l’ai créée ex nihilo au sein du groupe d’édition », témoigne l’ex-directeur marketing des Éditions Atlas, aux manettes de l’entreprise depuis deux décennies et qui avoue avoir cédé aux sirènes du LBO à la fois par désir d’indépendance mais aussi pour profiter du généreux partage de création de valeur des fonds avec les managers méritants. En l’occurrence, la petite filiale qui avait déjà écrit une belle success story dans le carcan du groupe en déclin, a pu enfin libérer son potentiel de croissance en s’en émancipant. Et le management en fût dûment récompensé en passant de 17 % du capital lors du premier LBO à quelque 49 % lors du LBO bis conclu ce printemps. L’entreprise a surperformé son business plan de 30 à 50 % par an, ce qui lui a permis de refinancer la dette de son premier LBO au bout d’un an. Le pari de Latour Capital, qui a lesté le montage de quelque 90 millions d’euros est de renouveler cet exploit.
Chiffres clés
1999. Création de la marque
2016. Activa entre au capital en valorisant la cible autour de 50 M€
2019, racheté par Latour Capital pour 180 M€.
189 M€ de chiffre d’affaires en 2018.
À mi-chemin entre Celio et Decathlon. Mais revenons vingt ans en arrière : le groupe d’édition Atlas, qui vivait ses derniers beaux jours à la fin des années 90 recherchait une voie de diversification dans l’univers du catalogue spécialisé pour capitaliser sur son savoir-faire en marketing direct. Après plusieurs tests dans les domaines des loisirs créatifs, de la décoration, de l’enfant et de l’homme, c’est sur ce dernier créneau que s’est porté son choix. Ainsi est né, en septembre 1999, Atlas For Men, un nouveau business model destiné à apporter des volumes 100 % additionnels, avec un mode de distribution et des produits relativement éloignés des activités traditionnelles de l’éditeur. Le concept : commercialiser, uniquement en VPC, des vêtements et accessoires outdoor (détente et plein air), destinée aux hommes. Et ce, avec une offre de produits originaux, créés par une équipe interne et des stylistes extérieurs, privilégiant les matières naturelles et l’authenticité. Son positionnement à mi-chemin entre Celio et Decathlon, dans une gamme de prix bien plus abordable que Marlboro Classics a tout de suite rencontré son public chez les hommes de plus de quarante-cinq ans, plutôt éloignés des grands centres urbains recherchant un style décontracté mais pas négligé. Jusqu’en 2008, la marque a concentré sa croissance sur le marché domestique français avant de s’attaquer d’emblée au marché allemand en 2008. « Un gros défi à l’époque avec la présence sur le marché allemand de mastodontes de la vente à distance, qui est culturellement bien plus développée chez les consommateurs outre-Rhin », retrace Marc Delamarre. Le succès de la conquête allemande conforte Atlas for men dans sa lancée internationale avec l’ouverture d’un pays par an depuis, tissant son maillage européen d’abord chez les voisins suisse, autrichien, et hollandais puis en Russie et dans les pays de l’Est et enfin récemment au Royaume-Uni, future tête de pont d’un développement outre-Atlantique avec la présente forte des cataloguistes américains sur le territoire britannique. Bien sûr, le Vépéciste n’a pas échappé à l’inévitable raz-de-marée du e-commerce malgré sa cible encore attachée au papier. Il a ouvert ses sites web en 2010 et entamé un long process de recrutement d’un nouveau public sur le digital tout en essayant de ne pas cannibaliser ses clients historiques du catalogue papier, soumis à une plus forte volatilité une fois passés sur le web. Aujourd’hui, les ventes en ligne ne représentent encore que 30 % du chiffre d’affaires d’Atlas for men, l’objectif est qu’elles montent à 50 % en 2022. Il s’agit d’un des gros chantiers de ce deuxième LBO, l’autre défi étant de faire de l’enseigne européenne une marque mondiale en allant à la conquête du Canada dès 2021. « Nous souhaitons aussi accroître notre notoriété par le Brand Content en passant d’une image de marque de promotion à une référence de contenu dans l’univers de l’outdoor avec des thématiques sur les voyages, l’aventure, le barbecue… », confie Marc Delamarre. L’entreprise, qui a découvert l’ESG grâce à son actionnaire Activa, s’attelle également à verdir sa stratégie d’approvisionnement et introduire plus d’éthique dans son étiquette. Cette bataille-là se mène certes à un rythme plus lent que la conquête de nouvelles parts de marché, mais gageons que le flair du management, qui a su humer l’air du temps, lui fera mettre les bouchées doubles pour que le prochain palier de croissance de 300 millions d’euros soit jalonné d’objectifs extra-financiers tout aussi ambitieux.