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FONDS ET DIRIGEANTS : L’AMOUR DURE BIEN PLUS QUE TROIS ANS !

L’horizon de trois à cinq ans d’actionnariat n’est plus la règle immuable du LBO. Que ce soit via des fonds de continuation sur le marché secondaire ou en réinvestissant aux côtés de nouveaux entrants, les actionnaires financiers s’attachent à rester plus longtemps au capital de leurs plus belles participations.

L’ÉTÉ DERNIER, DomusVi n’a pas profité de son troisième LBO pour rajeunir son tour de table. À l’initiative de son fondateur Yves Journel, le numéro 3 français des Ehpad a fait du neuf avec du vieux en se tournant vers ses actionnaires historiques. Le nouveau schéma valorisant le spécialiste des maisons de retraite médicalisées quelque 4,4 Mds€ s’est traduit par un co-contrôle entre Yves Journel et le fonds anglo-saxon ICG, partenaire en dette, puis en capital, depuis 2003. Cette configuration a été possible grâce à l’intervention d’un fonds de continuation porté par le spécialiste du secondaire Glendower Capital. Il a permis à ICG de lever environ 700 M€, pour y loger sa « nouvelleancienne » participation. Cette même technique a également permis à Clayton Dubilier & Rice de rempiler en décembre dernier dans le capital de la société Belron, maisonmère de Carglass, en structurant un fonds de continuation de 4 Mds$, un record jamais égalé dans le monde, selon l’étude sur le secondaire publiée récemment par Lazard. Ces opérations de cession à un véhicule ad hoc permettent de rejouer une nouvelle partie pour les gérants de fonds de private equity contraints par la durée de vie limitée de leurs fonds. Alors qu’elles n’existaient pratiquement pas il y a quelques années, elles ont le vent en poupe depuis plusieurs mois, dépassant les 30 Mds$ de valeur de transactions en 2021, toujours selon le rapport de Lazard. En France, c’est PAI qui a inauguré cette pratique en 2018 tandis que le fonds d’investissement Astorg a récemment fait son baptême du feu avec sa participation IQ-EQ, quatrième groupe mondial de services aux investisseurs.

L’entreprise luxembourgeoise, dernière ligne du cinquième fonds de l’investisseur midcap français est désormais l’actif unique d’un véhicule levé auprès des fonds secondaires AlpInvest et Goldman Sachs pour un montant total d’1,3 Md€.



Pression sur le déploiement

L’appétit croissant des investisseurs en secondaire pour les fonds de continuation à un seul actif (single-asset) a dopé cette pratique, offrant aux gérants de private equity la possibilité de prolonger leur durée de détention d’un cycle supplémentaire. Dans un marché où la pression sur le déploiement exacerbe la concurrence sur les meilleures cibles, des fonds préfèrent donc rempiler pour trois ans de plus avec une participation qu’ils connaissent bien, plutôt que de la mettre trop tôt sur le marché, ou risquer une IPO. Et le Covid n’a fait qu’amplifier ce repli vers les valeurs sûres. « La crise sanitaire a créé une impulsion favorisant l’émergence des deals secondaires de type single-asset, décrypte Ludovic Douge, responsable de l’activité secondaire du conseil en investissement non coté Jasmin Capital. D’une part, certains souscripteurs institutionnels de premier plan ont dû mener une réallocation de leur portefeuille d’investissements en réduisant leur exposition au non coté à la suite de contraintes de liquidité. D’autre part, le marché M&A ayant été peu favorable, certains gérants ont cherché des solutions pour pouvoir garder en portefeuille leurs investissements phares nécessitant plus de temps pour réaliser leur véritable potentiel. La demande des LPs pour la liquidité, couplée au souhait des GPs de garder des actifs plus longtemps a généré de l’offre sur le marché secondaire des single-assets ».

Lassitude du management

Mais si cette option reste l’apanage des grosses opérations à plus d’1 Md€ de valorisation qui permettent aux fonds secondaires de déployer d’importants tickets, les acteurs du mid et small ont trouvé la parade en structurant des « comeback deals » sur les participations qu’ils n’ont pas envie de quitter. « La volonté d’accompagner la croissance des PME et ETI sur des durées plus longues est une preuve de la maturité de notre industrie, illustrée par les récentes créations de fonds de long terme et de structures evergreen », confie un investisseur chevronné du secteur. En effet, on constate depuis quelques années cette velléité de s’inscrire sur un temps plus long, que ce soit via la création de véhicules à durée étendue à 15 ans, comme pour le belge Core Equity Partners créé il y a cinq ans par des transfuges de Bain Capital, ou le plus récent Adagia Partners fondé par l’ex-Montagu Sylvain Berger-Duquene et l’ex-PAI Nicolas Holzman, associés à l’ancien CEO de Roland Berger Charles- Edouard Bouée. La volonté d’allonger les durées de détention passe également par le retour en grâce des véhicules evergreen à l’instar d’HLD sur le mid cap ou de Geneo sur le small. Enfin, cette tendance est portée par la lassitude du management face à des process à répétition et la valse des actionnaires qu’on doit quitter quelques mois à peine après avoir appris à les connaître. Les dirigeants, dont le pouvoir n’a jamais été aussi important, imposent parfois de garder au tour de table des financiers qu’ils aiment bien et qui peuvent le cas échéant faire tampon avec les nouveaux venus. À certaines rares occasions, on va jusqu’à faire un copier-coller du LBO précédent, comme ce fut le cas dans l’OBO bis d’Octime, fin 2020, avec Andera et Capza, quatre ans après leur entrée en minoritaires chez l’éditeur béarnais de logiciels de gestion et de planification des temps de travail. En 2019, Andera a également réinvesti dans le capital du spécialiste bordelais de la maintenance des systèmes de convoyage Netco, deux ans à peine après un OBO primaire. Un premier cycle court mais suffisant pour atteindre les objectifs fixés dans le business plan initial en doublant le chiffre d’affaires et triplant l’Ebitda. Andera a donc pu, dans cette deuxième opération, « cristalliser une partie de la valeur », tout en restant à bord du capital du groupe aux côtés du fonds small cap d’IK, majoritaire.



Accélération des business plan

Les histoires d’accélération de business plan où l’entreprise délivre avec des mois, voire des années d’avance, les promesses de la feuille de route à l’entrée sont, certes, celles qui justifient le mieux l’envie de sortir par la grande porte en cédant la majorité et revenir par la fenêtre du réinvestissement minoritaire. Comme ce fut également le cas du FCDE dans Utac Ceram. Moins de trois ans après sa prise de contrôle par le Fonds de consolidation et de développement des entreprises, le spécialiste des essais automobiles a quadruplé sa valorisation à près de 240 M€ avec l’entrée d’Eurazeo PME en juillet 2020, qui a misé un ticket de 80 M€ pour détenir 65 % du capital. L’investisseur sortant était ravi de continuer à écrire une si belle equity story, même en position minoritaire. Et de son côté, le nouvel entrant n’est pas mécontent de compter sur la présence des investisseurs historiques, preuve de leur confiance en l’avenir rayonnant de leur participation.

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