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Ceva Santé Animale, le collectif au service de la croissance

Au lendemain de la signature de son cinquième LBO, Marc Prikazsky, président de Ceva Santé Animale, retrace l’ascension de son groupe devenu, en vingt ans, le premier laboratoire vétérinaire français et le cinquième mondial. Valorisée près de 4,8 Mds€, l’opération constitue le plus important LBO français d’une société contrôlée par ses managers. Aujourd’hui, 1 600 salariés sont au capital et portent son développement dans une dynamique collective.


Ceva Santé Animale a connu une évolution incroyable depuis la sortie du giron de Sanofi en 1999, particulièrement au regard du renouvellement de son actionnariat. Aujourd’hui, son pool d’actionnaire est très international. C’était un choix de votre part ?


Notre pool est en effet très international. Il reflète le positionnement de notre groupe qui compte 46 filiales réparties dans le monde. 90 % de notre chiffre d’affaires provient de l’étranger. Nos actionnaires, même s’ils sont minoritaires au capital, ont vocation à nous accompagner dans ces territoires. Rappelons que notre premier actionnaire historique, Euromezzanine, est français. Depuis, nous avons été accompagnés par Sagard, Merieux Investissement, depuis peu par Téthys Investissement. Et bien d’autres. Notre pool compte par ailleurs des Chinois (le fonds d’investissement Hopu investments), des Japonais (Mitsui & Co, spécialisé dans le trading de matière première), des Singapouriens (le fonds souverain Temasek Holdings), des Allemands (Klocke Group) mais aussi des Canadiens (le fonds de pension PSP Investments) et des Américains. Ce brassage des nationalités et des cultures nous apporte une connaissance des marchés sur lesquels nous investissons. Il nous permet également de ne pas être marqués comme trop européens, ou très chinois, dans un monde qui cherche toujours à créer l’opposition. Ce multi-nationalisme garantit une forme d’équilibre assurant la stabilité du groupe.


Quelles sont vos relations avec vos investisseurs ? Les percevez-vous comme des minoritaires passifs ?


Surtout pas ! Je les veux actifs, acteurs du développement de Ceva Santé Animale. Nous sommes exigeants sur le choix de nos partenaires car notre réussite sera aussi la leur. Je veille donc à créer des relations avec chacun d’eux, je les mobilise régulièrement. Je joue la transparence totale à leur égard et demande souvent leur avis. Au-delà de leur apport sur la culture d’un pays dans lequel nous souhaitons investir et sur leur réseau, certains nous aiguillent sur de la croissance externe, d’autres sur notre organisation, sur nos recherches, etc. Je pense par exemple à la famille Merieux, qui a été visionnaire en considérant depuis toujours que santé animale et santé humaine ne faisaient qu’un. Je pense aussi à Sofiprotéol qui nous a permis de faire l’acquisition du laboratoire pharmaceutique vétérinaire Sogeval. Et même s’ils sont aujourd’hui très minoritaires à notre capital, les représentants de ces deux actionnaires siègent au board de notre groupe.


Quelques chiffres

1999 L’année de création de Ceva Santé Animale, après son spin-off de Sanofi 

5e laboratoire vétérinaire au monde et premier français


1,2 Md€ de chiffre d’affaires en 2019


12 centres de recherche et développement


5 000 collaborateurs dans le monde


1 600 salariés au capital



Depuis le troisième LBO, les managers et salariés du groupe sont majoritaires au capital. Quelle a été la stratégie d’élargissement des cercles d’intéressement ?

En 1999, lors du spin-off de Sanofi, nous étions 14 cadres à investir nos économies et nous endetter personnellement pour reprendre l’entreprise. En 2003, lors du LBO 2 mené par Industri Kapital, une centaine de managers ont eu accès au capital. Puis en 2007, le management a préempté la vente. Aujourd’hui, 1 600 cadres et managers sont intéressés, dont 300 vivent à l’étranger. Au travers de leur participation intéressement, les salariés français sont hébergés dans un fonds commun de placement d’entreprise (FCPE). Les autres qui investissent en direct (français et étrangers) investissent dans deux sociétés. L’humain et le collectif sont fondamentaux dans la stratégie de Ceva Santé Animale. Et à chaque build-up que nous menons, même sur des petites entreprises, nous invitons les dirigeants entrepreneurs à prendre part au capital du groupe pour qu’ils construisent, avec nous, une histoire commune.


Est-il facile de convaincre les salariés de rentrer au capital ?


Oui, ils sont plutôt demandeurs. J’insiste toujours sur les risques. La dernière crise économique et financière doit être expliquée car, dans certains cas, les managers ont perdu l’intégralité de leur mise. Et la crise sanitaire que nous vivons va sans aucun doute chahuter à nouveau les marchés. C’est pourquoi nous faisons preuve d’une grande pédagogie et leur fournissons tous les détails sur les conditions de sortie, la fiscalité, etc. Je rappelle également que prendre des parts du capital ne confère pas des droits au salarié, mais surtout des devoirs vis-à-vis de l’entreprise. Ils doivent participer à la dynamique du groupe et lui permettre de continuer à croître.


La crise sanitaire liée à l’épidémie de coronavirus a sérieusement ébranlé les marchés. Comment votre groupe résiste-t-il ?


La priorité a été la sécurité de nos salariés. Tous nos sites industriels sont restés en fonctionnement car nous sommes à mi-chemin entre la santé et l’approvisionnement des humains en denrées alimentaires : deux domaines essentiels. Il était indispensable que nous puissions continuer à fournir les vétérinaires en médicaments. Le siège a en revanche été fermé, nous ne pouvions y assurer la sécurité des personnes. Le télétravail s’est développé et nous permet de découvrir de nouveaux modes de fonctionnement parfois plus efficaces ! La crise sera longue mais Ceva est agile et a toujours su surmonter les épreuves. C’est notre force collective.


Quels conseils donneriez-vous à un dirigeant qui entame un processus de LBO ?


D’abord, de savoir quel est son projet et d’adapter le choix des actionnaires qu’il approche en conséquence. Si son objectif, à terme, est d’être indépendant, il n’ira pas voir les mêmes acteurs car certains fonds refusent les positions minoritaires. Il doit également s’assurer que son business est crédible, porteur et positionné dans un secteur de croissance. Durant les négociations, il est important de veiller à toujours sécuriser son business plan. La crise n’est jamais certaine, mais elle peut survenir à n’importe quel moment et tout faire basculer. L’actualité récente nous le prouve. Le dirigeant doit garder son bon sens dans la valorisation de son actif, dans le choix de ses partenaires, dans sa gouvernance.


L’expérience des autres est également très utile et il ne faut pas hésiter à appeler des dirigeants des entreprises ayant travaillé avec les fonds pour leur poser des questions, leur demander comment l’aventure commune s’est déroulée. Certaines associations ou regroupements de dirigeants sont également d’un fort soutien. Je préside par exemple le club des ETI de Nouvelle-Aquitaine, qui compte près de 100 entreprises locales et qui permet à leurs dirigeants de se rencontrer, d’échanger entre eux et avec des experts. L’expérience des autres permet de mieux s’interroger sur notre stratégie, sur les risques que l’on accepte, ou pas, de prendre. Et dans certains cas, de garder les pieds sur terre.


Il est comme ça…

Une fierté ?

Avoir su garder une vie familiale unie et d’excellentes relations avec mes enfants alors même que j’ai énormément travaillé pour participer au développement de Ceva Santé Animale.

Un regret ?

J’ai un caractère plutôt optimiste. Je ne suis pas toujours satisfait, mais je suis passionné. Je me dis toujours qu’on aurait pu faire mieux, si j’avais eu plus de courage, parfois, pour saisir des opportunités.

Un projet ?

J’ai 60 ans et je voudrais tout organiser au mieux pour que ce groupe poursuive sa croissance après mon départ. Nous devons faire monter la nouvelle génération, elle doit trouver sa place au sein des instances de direction. L’entreprise doit grandir avec ses hommes car ce sont eux qui lui ont permis de devenir ce qu’elle est aujourd’hui.

Propos recueillis par Ondine Delaunay - Photographies Mark Davies

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