La France confirme sa maturité sur l’investissement responsable. Selon une étude récente de PwC, 95 % des sociétés de gestion françaises ont une politique ISR (contre 91 % au niveau mondial).
Les acteurs du capital investissement français ont toujours eu un coup d’avance sur l’élaboration de politiques ISR et la mise en place de critères ESG. Comment l’expliquer ?
Loin de concerner le seul domaine des sociétés cotées, la responsabilité sociale et environnementale est au cœur des préoccupations des acteurs du capital investissement depuis plusieurs années, l’intégration de critères ESG (Environnement, Social, Gouvernance) étant fortement valorisée. S’inscrivant dans une tendance mondiale, les Français apparaissent même moteurs en la matière. Aujourd’hui, 90 % des acteurs du capital-investissement hexagonal ont des indicateurs de suivi de la performance de leur politique ISR, et 85 % d’entre eux rendent compte au moins une fois par an à leurs conseils de surveillance des questions ESG. Les acteurs du capital-investissement ont dressé eux-mêmes cette ligne de conduite, même si les principes essentiels s’inspirent à la fois de la politique RSE définie par l’ONU, mais aussi du travail mené par la Commission ESG créée par France Invest (ex-AFIC) depuis 2013 qui a pour mission de promouvoir l’intégration des critères ESG auprès de ses membres et de leurs participations. Ce travail a créé un effet d’entraînement et une dynamique collective s’est installée pour valoriser les bonnes pratiques. Il est désormais accepté par tous que l’ISR a un impact positif sur l’image, la performance et la valorisation de l’entreprise.
Quel a été l’impact sur les dirigeants ?
Il est aujourd’hui fréquent d’insérer, dans la documentation, des clauses d’engagements éthiques et ESG pris par les dirigeants. L’ESG fait désormais partie du dialogue entre les investisseurs et les dirigeants, lesquels ont pris conscience du rapport direct entre l’ISR et la bonne gouvernance. À l’instar des bonnes pratiques de gouvernance des sociétés cotées, leur rémunération pourra d’ailleurs n’être plus fondée uniquement sur des considérations financières mais également intégrer des critères ESG. Ajoutons que les entreprises françaises d’une certaine taille sont depuis plusieurs années soumises à la publication annuelle d’un rapport RSE, aujourd’hui déclaration de performance extra-financière (DPE). Elle présente ainsi la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité. Son contenu ne cesse d’être renforcé (ont été ajoutés récemment la lutte contre le gaspillage alimentaire, la précarité alimentaire, le respect du bien-être animal). Ce texte est applicable à l’ensemble des ETI non cotées ayant plus de 100 M€ de CA net ou de total du bilan et 500 salariés permanents. À noter toutefois que, même si cette question est débattue, ce texte ne semble pas s’appliquer aux SAS, forme sociale souvent rencontrée en private equity.
L’arsenal législatif vient donc au fur et à mesure compléter la soft law en France sur ce sujet…
Absolument, ainsi que le démontrent la réglementation sur la DPE ou des réformes législatives récentes, telles que le plan anti-corruption de la loi Sapin 2 ou la loi vigilance de 2017 - même si certains dénoncent cette pression réglementaire qui pourrait s’avérer contre-productive. Le projet de loi Pacte va dans le même sens en modifiant l’article 1833 du Code civil pour y intégrer les enjeux sociaux et environnementaux ou encore l’article 1835 introduisant la possibilité pour les sociétés de définir une raison d’être. Est également prévue la création de « sociétés à mission » avec la détermination d’objectifs sociaux et environnementaux et des modalités de leur suivi. Plusieurs grands groupes ont d’ailleurs anticipé ces tendances comme Atos qui s’apprête à faire voter ses actionnaires sur sa raison d’être, ou Engie dont la directrice générale, Isabelle Kocher, a récemment annoncé « plus on arrive à aligner l’intérêt de l’entreprise sur celui de la société, plus on crée de la valeur ».