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La holding animatrice, une notion en quête de clarification

Au cœur de l’actualité de ces dernières semaines, la notion de holding animatrice contient d’importantes zones d’ombre, notamment en raison de l’absence d’une définition légale de portée générale. Entretien croisé avec Xavier Colard et Virginie Aïdan, associés du cabinet Cazals Manzo Pichot Saint Quentin.
Dans quel cas rencontre-t-on la notion de holding animatrice et comment l’appréhender ?
Xavier Colard : De plus en plus de groupes de sociétés sont structurés via une société holding commune afin (i) de structurer différents pôles d’activité, (ii) de rendre des services communs aux filiales communes et éventuellement (iii) de mettre en place des opérations patrimoniales, comme la transmission de titres. En présence d’une société holding, se pose toujours la question de savoir si cette dernière est animatrice de son groupe. Les chefs d’entreprise que nous rencontrons pensent souvent qu’à partir du moment où la holding a été constituée et qu’ils ont commencé à gérer les affaires courantes de la ou des filiale(s) opérationnelle(s) via celle-ci, cette société est animatrice du groupe. Or, en pratique, ce n’est pas toujours le cas.


Virginie Aïdan : Il est essentiel de rappeler les caractéristiques de la holding animatrice pour mieux appréhender cette notion qui n’a pas fait l’objet d’une définition légale à portée générale, c’est-à-dire qui s’appliquerait de façon commune à l’ensemble des impôts. C’est la jurisprudence qui a, au fil du temps, précisé ses caractéristiques. Le 13 juin 2018, le Conseil d’État, en formation plénière, a défini la holding animatrice comme « une société holding qui a pour activité principale, outre la gestion d’un portefeuille de participations, la participation active à la conduite de la politique du groupe et au contrôle de ses filiales et, le cas échéant et à titre purement interne, la fourniture de services spécifiques [aux filiales] ». Plusieurs décisions ont par la suite précisé cette définition. En raison des multiples régimes fiscaux applicables aux holdings animatrices, le dirigeant peut se retrouver devant les juridictions civiles ou administratives. Soulignons que la Cour de cassation s’est prononcée sur cette notion en érigeant des principes quasi-identiques à ceux du Conseil d’État.


Xavier Colard : Deux décisions majeures ont été rendues par le Conseil d’État et la Cour de cassation en 2020. Elles réaffirment l’éligibilité des holdings exerçant des activités mixtes aux régimes de faveur tout en adaptant les critères d’analyse de la prépondérance de l’activité d’animation des filiales. Dans un premier temps, le Conseil d’État (CE, 8e et 3e ch., 23 janv. 2020, n° 435562) a partiellement annulé la doctrine administrative relative à la méthodologie de détermination du caractère prépondérant de l’activité d’une holding. Puis, la Cour de cassation (Cass. com., 14 oct. 2020, n° 18-17.955, FS-P+B.) a indiqué que l’appréciation de la prépondérance doit désormais tenir compte d’un faisceau d’indices notamment caractérisé lorsque la valeur vénale des filiales animées représente plus de la moitié de l’actif total de la société au jour du fait générateur. Ces décisions constituent une réelle avancée dans la mesure où elles facilitent l’analyse de la prépondérance de l’activité éligible.


Virginie Aïdan : Une autre condition indispensable pour caractériser l’animation d’une société holding est de démontrer son effectivité. Il résulte de la jurisprudence que l’animation ne peut être caractérisée par la simple existence d’une convention d’animation. C’est un préalable, mais une telle convention est insuffisante à elle seule pour démontrer l’animation des filiales. Ces dernières doivent avoir été animées de manière effective. C’est une appréciation in concreto qui est faite tant par l’administration fiscale que par les juges.


Xavier Colard : Dans cette lignée, les six arrêts, dits Finaréa, rendus par la Cour de cassation en date du 3 mars 2021 précisent qu’il n’est pas suffisant de justifier de l’existence de moyens nécessaires à l’animation ; encore faut-il démontrer que ces moyens ont été mis en œuvre et que la société holding a participé de façon concrète à l’animation de ses filiales. L’affaire Finaréa vient démontrer que l’utilisation de la notion de holding animatrice est très difficile à manier. L’absence de définition légale permet à l’administration fiscale de s’engouffrer assez facilement dans les brèches.


Toutes ces décisions jurisprudentielles démontrent, en définitive, à quel point l’animation d’un groupe se structure avec minutie sans laisser place à l’improvisation. Préparation et anticipation sont les maitres-mots.


Que conseillez-vous aux dirigeants pour anticiper les problèmes ?


Xavier Colard : La plupart du temps, nous rencontrons la notion de holding animatrice en matière de pacte Dutreil. Rappelons que ce régime est l’un des plus favorables en France en matière de transmission d’entreprise, ce qui explique probablement la multitude de contrôles de la part de l’administration fiscale, en particulier lorsque s’allient les notions de pacte Dutreil et de holding animatrice. La première chose à faire est d’auditer le groupe pour voir si la holding est bien animatrice. Dans 95 % des cas, elle ne l’est pas ou l’animation mérite d’être renforcée.


Virginie Aïdan : Notre mission consiste alors à conseiller nos clients sur les solutions à mettre en place pour rendre leur holding animatrice du groupe préalablement à la recherche d’un régime de faveur comme le Pacte Dutreil par exemple. L’existence d’une convention d’animation est certes un prérequis à la qualification d’animation mais cela reste toutefois insuffisant. Il est alors indispensable de mettre en œuvre d’autres actions et de les documenter. Nous pourrons par exemple, nommer la holding de tête mandataire social des filiales opérationnelles, constituer un comité stratégique qui aura pour mission d’arrêter les décisions fondamentales sur les orientations du groupe et documenter au mieux la stratégie déployée par le groupe (conservation des procès-verbaux et constitution de preuves démontrant que le comité stratégique influe bien sur la politique du groupe).


Xavier Colard : Comme la holding est tenue de rendre des services au groupe, nous allons également faire remonter des services généraux, notamment les services financiers, marketing ou juridiques, au niveau de la holding pour démontrer que c’est elle qui rend des services et insuffle la politique globale du groupe.


Par ailleurs, dans les opérations de LBO, les dirigeants se posent souvent la question de savoir à partir de quel moment la holding d’acquisition sera considérée comme animatrice de son groupe. Malheureusement, il n’existe pas de critères légaux ou jurisprudentiels permettant de définir le moment précis où l’on devient animateur. En revanche, il est peu probable qu’une holding puisse être animatrice de son groupe dès sa constitution dans la mesure où il devrait lui falloir entre 4 et 6 mois pour mettre en œuvre les actions nécessaires pour justifier l’animation. Plus le délai est long, plus la caractérisation de la notion d’animation sera certaine (sous réserve bien entendu et comme indiqué ci-dessus de réunir en pratique des preuves de cette animation).


Quelle est l’évolution souhaitable ?


Xavier Colard : Toutes les tentatives de législation ayant pour objet d’offrir une définition générale de la holding animatrice sont malheureusement restées, jusqu’à présent, lettre morte. Nous appelons à la reprise des travaux qui avaient été mis en œuvre par le passé par la commission des finances de l’Assemblée nationale afin de donner la possibilité de légiférer sur une définition qui aurait une portée générale accompagnée d’une doctrine administrative détaillée.


Virginie Aïdan : La construction prétorienne de cette notion est une véritable piste d’amélioration, car nous avons maintenant une grille de lecture bien plus claire. Mais si le législateur donnait une définition générale, les échanges avec l’administration fiscale seraient facilités. Aujourd’hui, les contentieux sont encore particulièrement nombreux en la matière et les contribuables obtiennent fréquemment gain de cause après des années de procédure.


Xavier Colard : En matière de pacte Dutreil, l’administration fiscale a mis en ligne une consultation publique, le 6 avril 2021, qui vise la notion de holding animatrice. Les commentaires aménageant ce régime reprennent les critères relatifs à l’animation des décisions précitées notamment sur la définition de la holding animatrice et sur les critères d’appréciation du caractère prépondérant de l’animation. Nous espérons que ces avancées pourront être étendues par analogie aux différents régimes de faveur.


Par Aurélia Granel

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