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France Digitale est une association française qui réunit les entrepreneurs et investisseurs du numérique pour promouvoir l’économie numérique auprès des pouvoirs publics. Sa mission : créer un écosystème numérique qui fasse émerger régulièrement des champions.
Et si la sphère entrepreneuriale du numérique dessinait la période de sortie de crise comme étant le moment opportun pour jouer un rôle sociétal et se faire le porte-parole des comportements de bonne conduite ? Telle est la conviction de Benoist Grossmann, coprésident de France Digitale. Explications.
Voilà maintenant un an que la crise économique créée par la pandémie de Covid-19 s’est fait jour. Inutile de revenir en détail sur le déroulé de cette période sombre. Au contraire, il est temps de chercher à se projeter dans « l’après », en commençant par dresser le diagnostic des entreprises. Et force est de constater qu’en la matière, celui-ci est aussi inédit que la période elle-même. « Cette crise est profondément injuste, pointe du doigt Benoist Grossmann, coprésident de France Digitale. D’ordinaire, une crise économique est par nature darwinienne, au sens où elle crée une séparation franche entre les entreprises qui s’en sortent et celles qui sont trop affectées pour survivre. Mais cette fois-ci, c’est très différent car les répercussions négatives se font surtout ressentir de façon sectorielle. C’est en quelque sorte la faute à pas de chance ! Elles peuvent même concerner des entreprises dont le positionnement et la santé était excellents jusqu’au début de 2020, à l’instar d’Airbus, désormais suspendu à un horizon de reprise du secteur aérien tout ce qu’il y a de plus incertain. »
Par un effet miroir, la période a engendré ce qui pourrait s’apparenter à des effets d’aubaine pour certains champs de l’économie. Le digital est de ceux-là. « Nous avons une chance inouïe, concède l’investisseur. En portant l’accent sur les bienfaits de la digitalisation, dès le premier confinement, la crise a permis à de nombreuses sociétés du numérique d’accélérer. À quelques exceptions près, nous nous sommes retrouvés du bon côté de la barrière. » L’engouement pour le numérique fut tel que l’on estime que des entreprises ont gagné en quelques mois 2 ou 3 ans sur leur plan de développement. Une perspective aussi surprenante qu’imprévisible.
Dichotomie d’entreprises. Conséquence tout aussi inattendue de cette période : les valorisations des entreprises de la tech grimpent en flèche. Aux États-Unis, comme chacun a notamment pu le constater à la lumière des capitalisations des géants des places boursières, mais aussi en France, alors qu’il était difficile de s’y attendre. « Cela résulte en particulier du fait qu’il y a beaucoup d’argent du côté des investisseurs ciblant ce segment d’activité. Les levées de fonds ont été plus importantes en 2020 qu’en 2019, relate Benoist Grossmann, et cela fait aussi écho à la qualité de l’écosystème et du top management de ces sociétés. » Des premiers chiffres font état de 5,4 milliards levés l’an passé par 640 start-up françaises, plaçant l’Hexagone en tête pour la zone euro.
Cela étant, au moment de se préparer pour la relance, se dessine nettement une dichotomie entre les entreprises en bonne santé et les autres, sachant que « nous n’avons pas encore pleinement conscience de qui composera ce deuxième groupe, tant que les mesures de soutien mises en place, comme le Prêt Garanti par l’État (PGE) ou les mesures de chômage partiel, maintiennent artificiellement en vie certaines sociétés », observe-t-il. Mais une chose semble assurée : dans le digital, la casse devrait être limitée.
Charte des bonnes conduites. Sur cette toile de fond est née une réflexion collective, au sein de France Digitale : consciente de cette position favorable, l’association a édicté une charte des bonnes conduites à destination des fonds d’investissement et des entrepreneurs, dès le confinement du printemps dernier. D’abord lancée avec l’appui d’une vingtaine de signataires que sont les administrateurs de l’association, celle-ci a rallié les suffrages. « Nombre de nos adhérents l’ont signée, se réjouit Benoist Grossmann. C’est d’autant plus important qu’elle fait état d’engagements mutuels : d’un côté, les investisseurs souscrivaient une dizaine de points, comme notamment ne pas profiter de la période de crise pour provoquer des rapports de force au détriment des dirigeants et les traiter correctement ; de l’autre côté, les entrepreneurs approuvaient également une dizaine de principes, tel ne pas abuser des mesures de chômage partiel ou ne pas licencier massivement, etc. »
Presque un an plus tard, l’association maintient ses positions. En particulier parce qu’elle considère que, étant représentative d’un écosystème en bonne santé financière, elle se doit d’avoir un comportement écoresponsable et de poursuivre un impact sociétal. « Ce n’est pas juste de l’affichage ! Cette revendication fait intégralement partie de l’ADN de tous nos entrepreneurs et nous partageons une grande sensibilité sur ces sujets, au sein de l’association », plaide celui qui en est coprésident depuis fin 2019, tout en précisant que « nous sommes ravis d’avoir emmené avec nous dans cette approche d’autres organisations, que sont Syntec Numérique, CroissancePlus et France Biotech ».
Tendance de fond(s). En l’espèce, France Digitale n’en est pas à son coup d’essai. Déjà, il y a deux ans, l’association a signé la charte Sista, édictée pour tendre vers plus de parité femmes-hommes dans l’entrepreneuriat. Autre engagement majeur : elle entend favoriser la diversité parmi les fondateurs et dirigeants d’entreprise. « Bien évidemment, il y aura toujours des exceptions dans notre communauté pour ne pas souscrire à 100 % à ces idées-forces, mais cela ne doit en rien nous empêcher de continuer à porter ces engagements, en particulier parce qu’ils sont tout à fait compatibles avec les principes de l’entrepreneuriat et les perspectives de retour sur investissement pour les fonds », affirme Benoist Grossmann. Une revendication portée d’autant plus haut et fort qu’elle aurait pu être mise en sourdine au moment de traverser la crise économique actuelle…
Et l’investisseur de poursuivre : « Nous sommes convaincus qu’il s’agit là de tendances de fond, qui prendront de plus en plus d’importance. Il suffit de remonter une petite quinzaine d’années en arrière dans le temps pour se rendre compte que c’est exactement de cette façon que les critères ESG — environnement, social, gouvernance — ont pris l’importance qu’ils ont aujourd’hui… Nous devons donc l’affirmer avec force et conviction : il est possible d’être investisseur et d’être bienveillant envers les entrepreneurs ! »
La preuve du concept. Il reste donc à voir comment faire la preuve du concept dans le temps. À ce stade, une certitude, toutefois : l’écosystème du digital se trouve dans une situation financière « préservée » et peut se donner les moyens de répondre à ces nouvelles ambitions. Pour autant, des premiers éléments sont déjà à mettre à son crédit. « Nous avons mesuré que les postes que proposent les start-up du digital sont à 95 % des contrats à durée indéterminée, alors même que cette proportion s’établit plutôt entre 15 et 20 % sur l’ensemble des sociétés françaises, rappelle Benoist Grossmann. Qui plus est, la pyramide des salaires s’y trouve beaucoup plus aplatie qu’ailleurs. Sans oublier le fait qu’une majorité des salariés de ces entreprises sont intéressées au capital ! »
Autre préoccupation grandissante exprimée par ces start-up : l’analyse de leur empreinte carbone. Le spécialiste du covoiturage BlaBlaCar fait figure d’exemple en la matière, mais il est loin d’être le seul : « Back Market, positionné sur le reconditionnement de matériels électroniques d’occasion, est aussi dans cette logique, comme de plus en plus de sociétés du numérique », souligne l’investisseur. Se soucier de la planète rime donc avec digital.
Par Charles Ansabère