Coup de massue dans l’univers frénétique des investissements en infrastructures. L’Autorité de la concurrence vient d’interdire au fonds Ardian de prendre le contrôle de la Société du Pipeline Méditerranée-Rhône (SPMR), représentant un réseau de canalisations de 760 km de long et qui approvisionne les dépôts du sud-est de la France en produits raffinés.
Le projet d’acquisition avait été notifié à l’Autorité de la concurrence le 14 septembre 2020. Il consistait en un rachat par le groupe Ardian des 5 % des parts de capital détenues dans la SPMR par ENI, entraînant ainsi la prise de contrôle exclusif de la SPMR par Ardian.
À la suite de l’examen du dossier, l’Autorité avait jugé que l’opération nécessitait de passer en phase 2 car l’opération conduisait, pour la première fois depuis la création de la société en 1968, à ce que la majorité des parts de son capital et, par la suite l’infrastructure, soit contrôlée -au sens du droit des concentrations – par Ardian. S’en suivait un risque sur la dynamique concurrentielle des marchés affectés, notamment sur l’impact sur les tarifs et la qualité de la desserte. L’Autorité ajoutant alors : « Compte tenu de la présence du groupe Ardian sur les marchés liés du stockage de produits pétroliers (dépôt de Géosel-Manosque), l’examen en phase approfondie visera également à déterminer s’il y a un risque de pratiques discriminatoires, visant à favoriser son propre dépôt au détriment de ceux de ses concurrents ».
Dans sa décision publiée le 12 mai 2021, l’Autorité de la concurrence considère d’abord l’oléoduc comme une infrastructure essentielle, en situation de monopole dans le sud-est de la France et incontournable pour les clients. Et face à un actionnariat de la SPMR éclaté, l’opération conférait à Ardian le pouvoir de décider seul de la politique commerciale du pipeline et du niveau de prix. L’Autorité constate également que le commissaire du gouvernement et le ministre en charge de l’énergie exercent actuellement sur la SPMR un contrôle qui se limite, pour l’essentiel, au champ de la politique énergétique et à la continuité d’approvisionnement en produits pétroliers du territoire français. Un cadre légal et réglementaire qui ne compense par les risques d’atteinte à la concurrence engendrés par l’opération. L’Autorité note par ailleurs l’insuffisance des engagements proposés par le repreneur.
Dès lors, l’opération est interdite.
Il s’agit de la deuxième interdiction prononcée par l’Autorité, après celle du 28 août 2020 portant sur le rachat d’un hypermarché Géant Casino à Troyes par la société Soditroy et l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc, décision faisant l’objet d’un recours pendant devant le Conseil d’État.