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« Nous avons eu la mauvaise surprise de voir un autre front s’ouvrir sur la communication autour des espèces »

Guillaume Nonain, general counsel EMEA et APAC de Brink’s, raconte l’impact considérable de la pandémie sur l’industrie du transport de fonds ayant assuré la continuité d’une activité essentielle, sur fond de psychose des transactions en cash.


Comment votre secteur d’activité et votre entreprise ont-ils été impactés par la crise du Covid-19 ?


La situation s’est révélée rapidement compliquée, alors même que l’activité de transport de fonds et de traitement des valeurs fait partie des activités considérées comme essentielles à la vie de la nation. Sans nous, pas de distributeurs d’argent approvisionnés, pas de magasins délestés de leurs espèces, pas de prestations sociales distribuées, pas de recettes de commerce créditées, etc. Nous avions donc une obligation primordiale de continuité d’activité vis-à-vis de l’État et des citoyens. Nous avons ainsi dû concilier les attentes de nos clients, notamment des magasins alimentaires qui détenaient encore plus de cash à traiter, avec les impératifs de sécurité sanitaire pour ceux-ci et bien sûr pour nos salariés. En plus de tout cela, nous avons eu la mauvaise surprise de voir un autre front s’ouvrir sur la communication autour de notre matière première, les espèces. Il est malheureux de voir que le fantasme lié au cash transmetteur de virus revient à chaque épidémie, sans aucun fondement scientifique crédible. Encouragé par certains acteurs globaux du paiement par carte ou électronique, le discours anti-cash a créé une psychose qui a poussé certains commerces à aller jusqu’à interdire purement et simplement les espèces. La Banque de France et le Défenseur des droits ont ainsi dû formellement rappeler qu’un tel refus, au-delà du fait qu’il exclut toute une frange de la population qui n’est pas dotée de moyens de paiement électronique, est illégal en France et sanctionné pénalement. Le paiement par carte ne fait pas partie des mesures restrictives prises pour lutter contre la propagation du Covid-19 ! Au contraire ! Le fait de sortir retirer des espèces est même l’un des exemples de sortie de première nécessité expressément cité sur l’attestation du ministère de l’Intérieur. Toute la direction de Brink’s s’est mobilisée sur le sujet afin de revenir à une communication publique plus sérieuse. Un billet n’est pas plus contagieux qu’un terminal de paiement, une CB, ou la poignée d’un chariot de supermarché !


Quels sont les sujets juridiques urgents auxquels vous avez dû faire face ?


Dès les premiers jours de la crise sanitaire, nous avons été confrontés à des sujets de gestion contractuelle qui, jusqu’à présent, étaient assez théoriques comme la force majeure, ou l’imprévision. Nous sommes intervenus au soutien des équipes commerciales ayant dû gérer les relations avec certains de leurs clients qui avaient choisi de fermer leur magasin, alors même que leur commerce n’était pas interdit par décret. Je pense par exemple à des commerces d’équipements informatiques ou de bricolage.


D’autres enjeux juridiques sont apparus, liés à la sécurité des salariés, avec notamment des répercussions sur le traitement des données personnelles. Notamment la question de la prise de température des salariés. Au début, nous étions un peu dans le flou pour savoir si elle était autorisée. La CNIL a fort heureusement précisé sa position en indiquant qu’elle s’opposait à la collecte et conservation des données de température récoltées et non à la pratique sanitaire elle-même.


Par ailleurs, afin de gérer la sécurité de nos salariés et les enjeux sociaux, nous avons établi un guide de bonnes pratiques avec le ministère du Travail et les représentants des salariés. Il concerne bien sûr toute notre industrie.


Quels seront, selon vous, les sujets juridiques de demain ?


Je pense que dans le cadre des négociations commerciales classiques, nous verrons remonter dans les priorités de négociation les clauses de force majeure et d’interruption d’activité. Je m’attends aussi à des demandes de flexibilité accrue sur certaines clauses contractuelles, notamment liées aux pénalités en cas d’absence de service.


La dématérialisation des process devrait par ailleurs être au cœur des préoccupations des entreprises. La mise en place de la signature électronique sera prioritaire pour les groupes qui ne l’ont pas encore prévue. La sécurisation des outils de visioconférence et de partage de documents devra également être travaillée.


Mais j’ose espérer que cette dématérialisation sera également au cœur des préoccupations de nos administrations ! Si de gros efforts ont été faits, il me semble aujourd’hui incroyable de devoir continuer à se déplacer, pour certains trésors publics par exemple.  

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