Comment votre secteur d’activité et votre entreprise ont-ils été impactés ?
Trescal étant un spécialiste mondial des services de métrologie et de gestion de parc d’instruments de test et mesure, nous n’avons donc pas souffert de problèmes liés à l’approvisionnement de notre supply chain. En revanche, nous avons rencontré des difficultés côté clients car, soit ils avaient fermé, soit l’accès à leur site était restreint à leurs seuls salariés. Or, notre présence en France s’organise autour de 35 laboratoires et d’une centaine de sites déportés chez nos clients. Nous avons donc essuyé une baisse de 20 % de notre chiffre d’affaires en mars et nous prévoyons une dégradation pour avril de l’ordre de 40 %. Nous pensions que notre présence à l’international nous protégerait, mais c’est d’ailleurs le côté inédit et surprenant de cette crise, l’ensemble des pays a été touché quasi simultanément.
Quels sont les sujets urgents auxquels vous avez dû faire face ?
Plusieurs sujets ont dû être menés de front. Le premier était de faire en sorte que les salariés pouvant se déplacer puissent travailler. Il a donc été nécessaire de s’adapter aux nouvelles règles sanitaires.
Le deuxième sujet, plus délicat, a porté sur la mise en place du chômage partiel, moins facile à mettre en œuvre qu’il n’y paraît. Nous étions une entreprise solide et jamais nous n’avions envisagé avoir recours à un tel dispositif. Il a fallu rapidement se familiariser avec les arcanes de ce système. En tant qu’entreprise internationale, notre difficulté a été de comprendre quel était, dans chaque pays, le système équivalent et le mettre en place. Ne nous méprenons pas, il s’agit là de la seule parade que nous ayons : celle d’utiliser à bon escient le chômage partiel et de le gérer dans le micro-détail, car c’est du cas par cas.
Nous avons bien sûr mis en place toutes les mesures possibles pour la préservation du cash et procédé à toutes les réductions de coûts possibles. Il a ensuite fallu vérifier pays par pays notre capacité à obtenir des financements supplémentaires. Et c’est particulièrement sur ce point que les choses se corsent. Étant une entreprise sous LBO, nous ne sommes ni les chouchous des banques traditionnelles ni celles des banques publiques. Par ailleurs, notre pool bancaire est international et composé d’une dizaine d’acteurs. Certains de ces acteurs sont loin et n’ont pas nécessairement pris la mesure de la crise et ont donc réagi moins rapidement… Nous avons dû également faire face à toutes les règles de présentation des demandes de prêts qui n’offrent pas l’agilité et la souplesse nécessaires à la situation. Nous avions besoin d’un consensus de l’ensemble des acteurs du pool et les fédérer fut extrêmement lourd et chronophage.
Une fois l’onde de choc passée, comment pilote-t-on une entreprise dans une période si exceptionnelle ?
Nous sommes, depuis un mois, dans la gestion conjoncturelle de cette crise. Nous avons mis en place une cellule de crise et, chaque jour, nous faisons le point sur le nombre de cas de Covid-19, sur le niveau des stocks de masques, de gels, sur le chômage partiel et sur les mesures de préservation de cash. Nous ne traitons plus les mêmes sujets qu’auparavant. Et chaque jour, nécessite une nouvelle adaptation, soit au niveau RH, soit au niveau financement, sanitaire, etc.
Les hiérarchies se renversent : nous sommes entre les mains des managers de terrain. Ces derniers décident de qui peut travailler et sur quel site. Et la survie de l’entreprise se joue dans la différence entre un chef d’équipe qui aura réussi à trouver une solution qui permette de faire travailler 60 % des équipes et non 40 %. Le rôle du comité exécutif est de les soutenir sans alourdir leurs charges de travail avec du reporting supplémentaire. La direction financière devient également centrale et joue d’ailleurs le match de sa vie.
L’enjeu majeur de cette crise est celui de la protection des salariés. Les managers et des directions font chaque jour face à un dilemme invraisemblable : tenter de préserver l’activité mais avant tout la santé de leurs collaborateurs. Nous devons aussi sauvegarder le tissu économique. Pour ce faire, il faut que les salariés aillent travailler, mais il n’est pas question de les mettre en danger. Chaque jour, l’ensemble de la chaîne de management doit donc réévaluer la situation et n’avoir aucun doute.