Quelles sont les principales mesures à caractère fiscal prises par le gouvernement français dans le contexte de pandémie actuel ?
Des mesures d’ordre financier ont été adoptées avec pour objectif premier d’alléger la pression sur la trésorerie des entreprises. Ainsi, et de manière inédite puisque sans justifications, elles ont la possibilité de reporter de plusieurs mois le paiement de certains impôts directs, ou encore d’obtenir le remboursement accéléré de crédits d’impôts.
D’autres mesures permettront également de donner un peu d’air aux entreprises dans leur gestion et organisation, telles que l’allongement de la période de certaines déclarations fiscales. Les liasses fiscales des entreprises dont l’exercice clôturait au 31 décembre 2019 pourront ainsi être déposées jusqu’au 30 juin 2020.
Pendant la période d’urgence sanitaire, l’ensemble des délais prévus dans le cadre de la conduite des procédures de contrôle fiscal sont suspendus. Mais la suspension a aussi des conséquences sur les délais de prescription et de reprise, permettant par exemple à l’administration fiscale de pouvoir encore procéder début 2021 à des vérifications au titre de 2017, ce qui ne serait habituellement pas possible. Ce point est important notamment pour les garanties de passif lors des cessions d’entreprises.
Enfin, certains délais applicables en matière de recouvrement et de contestation d’impôts sont également suspendus pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire augmentée de trois mois.
Ces mesures constituent-elles selon vous une réponse adaptée à la situation ?
Nous ne pouvons que saluer la rapidité avec laquelle le gouvernement a adopté ces mesures, globalement adaptées aux besoins à très court terme des entreprises. Par ailleurs, Bercy a déjà fait savoir que des remises d’impôts pourront être octroyées, dans certains cas spécifiques, lorsque le report des échéances fiscales ne suffira pas.
Nous pourrions souhaiter une généralisation et simplification des procédures d’étalement du paiement de l’impôt, ce que l’administration accepte déjà lorsque des entreprises en difficulté le sollicitent. Peut-être pourrions-nous également espérer que la reprise des contrôles fiscaux se fera de façon progressive, avec discernement et mesure, car de nombreuses entreprises seront davantage focalisées sur le maintien, voire la survie, de leur activité.
Il est probable que les mesures prises ne seront pas suffisantes et devront par la suite être complétées par une réforme fiscale plus systémique. Celle-ci aurait vocation à compléter les dispositifs non fiscaux mis en place, tels que les prêts garantis par l’État, dont l’efficacité ne sera réelle que si l’ensemble des acteurs coopèrent et prennent leur responsabilité dans la durée.
Pourriez-vous citer des exemples de bonnes pratiques à adopter par les entreprises ?
Avec la suspension de certains délais fiscaux, des ressources internes qui étaient jusque-là dédiées au suivi des procédures fiscales pourraient être en partie réaffectées à d’autres activités de gestion fiscale. Par exemple, c’est sans doute le moment de solliciter des remboursements de crédit de TVA auprès d’une administration incitée à être plus ouverte à la discussion et réactive. De la même manière, dans la mesure où les dettes (notamment fiscales) des entreprises vont augmenter par l’effet des dispositifs précités, il nous paraît opportun de demander l’échelonnement du paiement d’impôts pour limiter les risques d’insolvabilité.
Enfin, dans un environnement de crise où la question des garanties données par les entreprises revêt une importance cruciale (au profit de l’administration, en contrepartie d’un étalement de l’impôt, ou au profit des banques dans le cadre de financement), nous verrons sans doute se développer de nouveaux outils attractifs comme la remise d’actifs en fiducie. Encore relativement peu connue, la fiducie offre de solides garanties et une grande simplicité d’exécution tout en étant globalement neutre au plan fiscal.